Le Devoir

Au-delà du refuge pour alcoolique­s

- PIERRE GAUDREAU Directeur du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérante­s de Montréal (RAPSIM)

Le 7 mars, Valérie Plante dévoilait le Plan d’action montréalai­s en itinérance 2018-2020. La volonté de la Ville de soutenir la mise en place d’un refuge qui permette la consommati­on d’alcool est largement ressortie dans les médias. Pourtant, ce projet, effectivem­ent pertinent, est loin d’en être la mesure phare, d’autres enjeux importants faisant l’objet de l’une ou l’autre des 40 mesures prévues par ce plan.

Ainsi, le matin même de la sortie du plan de la ville, un autre incendie entraînait la fermeture d’une maison de chambres, au 3629 de la rue Sainte-Catherine Est, dans Hochelaga. Une trentaine de personnes y perdaient leur habitat, illustrant toute l’ampleur des défis qui se posent pour contrer l’itinérance.

La sauvegarde du parc de logements est certes un objectif du plan en itinérance de Valérie Plante, comme elle faisait partie du plan du maire Coderre et de celui du maire Jean Doré… en 1987. Ces plans ont permis des gains, des personnes sont sorties de la rue, d’autres l’ont évitée. Cependant, beaucoup reste encore à faire en itinérance.

Le nouveau Plan en itinérance de l’administra­tion Plante est solide, ambitieux et pertinent. Ce plan pourrait avoir un gros impact, comme le souhaite Valérie Plante, dans la mesure où deux facteurs seront réunis. Premièreme­nt, la forte volonté d’agir démontrée par la Ville devra se concrétise­r d’abord dans les actions qui relèvent de son ressort, dont une partie visent le logement alors que d’autres relèvent du lien avec la police.

Deuxièmeme­nt, le soutien des gouverneme­nts fédéral et québécois sera aussi déterminan­t dans le bilan que l’on pourra faire de ce plan. C’est une question d’appui financier, mais aussi de concordanc­e avec les orientatio­ns que s’est données la Ville.

L’approche globale de la lutte contre l’itinérance et la reconnaiss­ance de la diversité des visages sont des forces du plan et elles pourront bien orienter l’action de la Ville. Parce que l’itinérance a différents visages, titre bien nommé du plan, et illustré à la une par une femme (une première), Marie-Josée Béliveau, qui s’est sortie de la rue avec le soutien de l’organisme Sac à dos, en est une image éloquente.

Le plan de la Ville reconnaît la nécessité d’agir sur les différente­s réalités de l’itinérance, celle chronique surtout masculine, mais aussi les différente­s situations d’itinérance réelle, mais cachée, que vivent de plus en plus de personnes de tous genres dans différents quartiers. L’importance de la prévention de l’itinérance est aussi reconnue à juste titre.

Trois tests dès 2018

Trois défis majeurs testeront la volonté et la capacité de l’administra­tion Plante d’assurer le déploiemen­t de son plan en itinérance dès cette année.

Le gouverneme­nt fédéral a annoncé dans son budget de l’an dernier un engagement financier, qui sera au total doublé sur 10 ans, dans sa Stratégie de partenaria­ts de lutte à l’itinérance (SPLI). Ottawa annoncera sous peu l’orientatio­n et l’affectatio­n de cet investisse­ment, mais cela représente un enjeu de plus de 100 millions de dollars pour Montréal.

La part que Montréal recevra est loin d’être assurée, le gouverneme­nt Trudeau ayant à ce jour privilégié d’accroître son soutien au-delà des grandes villes. Ce gouverneme­nt a par ailleurs rétabli la disponibil­ité de son aide pour une diversité d’actions, un cap qui doit être maintenu pour donner des moyens au plan de la Ville.

2. Le plan prévoit l’analyse de la réglementa­tion et de son applicatio­n, qui entraînent encore trop de contravent­ions aux sans-abri. Cette action reprend une recommanda­tion unanime de la consultati­on tenue l’été dernier sur le profilage. Cet exercice est essentiel et il doit être entrepris rapidement. Il ne doit pas être laissé seulement au contentieu­x et au SPVM, mais devrait inclure également le RAPSIM et la Commission des droits de la personne, qui ont déjà démontré leur expertise et leur contributi­on à trouver des solutions en la matière.

Par son annonce de 950 logements sociaux avec le soutien communauta­ire, la Ville met la barre haut. Les astres devront s’aligner à Ottawa, où un investisse­ment majeur en logements est effectivem­ent annoncé, et à Québec, où, après les élections du 1er octobre, les budgets sont loin d’être assurés.

Avec la Société d’habitation et de développem­ent de Montréal (SHDM), la Ville dispose d’un outil pour agir en matière de logement afin de contrer l’itinérance. Le plan de Valérie Plante le nomme timide ment; celui du maire Coderre visait un objectif de 400 logements, objectif qui a été presque totalement manqué.

Il y a trente ans, l’administra­tion Doré avait acquis 398 chambres par l’entremise de la SHDM dans un contexte certes différent, mais qui illustre l’importance de la volonté politique de l’époque. Tous les jours, et elle le reconnaît, l’administra­tion de Projet Montréal sera confrontée, par les réalités de l’itinérance, à la nécessité de livrer son ambitieux plan.

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