Stephen Hawking, l’héritage d’un géant
L’astrophysicien a rendu sa science accessible au grand public, qu’il a aussi touché par sa détermination hors du commun
Le célébrissime physicien britannique Stephen Hawking, qui émouvait le grand public par sa grande intelligence tapie dans un corps impotent, est décédé mercredi 14 mars à l’âge de 76 ans. Il laisse en héritage des théories majeures, considérées comme révolutionnaires, qui ont fait progresser notre compréhension de l’univers. Mais aussi des écrits fabuleux destinés au grand public et un exemple de détermination et de persévérance unique au monde qui a inspiré de nombreux chercheurs.
Alors qu’il n’est âgé que de 21 ans, en 1963, il apprend qu’il est atteint de la sclérose latérale amyotrophique, une maladie neurodégénérative qui ne lui laisse que deux ans à vivre. Ne se laissant pas abattre par ce verdict, il se concentre sur les recherches qu’il mène
à l’Université de Cambridge et qui visent à résoudre des questions fondamentales sur la nature de l’univers. «Mon but est simple. C’est une compréhension complète de l’univers. Pourquoi est-il comme il est, et pourquoi existet-il?» disait-il.
À la grande stupéfaction des médecins, sa maladie progresse beaucoup plus lentement que prévu puisqu’il y survivra 55 ans. Même si sa maladie paralyse graduellement son corps, il poursuit avec enthousiasme ses recherches avec ses étudiants et il ne perdra jamais sa joie de vivre. Robert Brandenberger, professeur de physique à l’Université McGill, qui l’a connu personnellement alors qu’il était stagiaire postdoctoral dans son équipe de 1985 à 1987, le confirme. «Il était très inspirant comme personne. Il était habité par la joie de vivre. Il aimait les gens, les étudiants. Il ne s’intéressait pas seulement au travail des étudiants, mais aussi à la vie quotidienne. Il était toujours présent à la pause de l’afternoon tea avec les étudiants et il allait même au cinéma avec eux le soir», relate-t-il.
En 1970, il effectue sa première grande découverte: l’existence de singularités dans l’univers, notamment dans l’origine du Big Bang et au centre des trous noirs, qui prennent en défaut la théorie de la relativité générale d’Einstein.
Puis, dans l’espoir de contribuer à trouver cette fameuse théorie du tout qui unifierait la relativité générale et la mécanique quantique qui décrit l’infiniment petit, il élabore la théorie de l’évaporation des trous noirs, appelée rayonnement de Hawking.
Selon Julie Hlavacek-Larrondo, professeure adjointe au Département de physique de l’Université de Montréal qui a fait son doctorat à l’Université de Cambridge entre 2009 et 2012, Stephen Hawking ne fut peut-être pas le plus grand physicien de son époque, mais «ses contributions à notre compréhension de l’univers sont importantes et sont arrivées à des moments critiques pour l’étude des trous noirs ».
Communiquer avec Stephen Hawking n’était pas facile. En 1985, on le sauve d’une grave pneumonie en procédant à une trachéotomie qui l’empêche ensuite de parler. Il utilisera alors un synthétiseur vocal qui lui donnera cette voix de robot caractéristique. Pour exprimer sa pensée, il doit choisi les mots que lui propose un ordinateur qu’il commande d’abord à l’aide de quelques doigts et, plus récemment, par le biais de petites contractions des muscles de ses joues. « On a appris à lui poser des questions dont les réponses étaient aussi succinctes
que « yes » ou « no ». Lorsqu’il assistait à des séminaires, il posait des questions et proposait des idées. Lors d’un séminaire que je donnais sur mes travaux, il a tapé une question sur son clavier et cette question était stratégique», se souvient M. Brandenberger.
Sa popularité auprès du grand public s’est grandement accrue lors de la publication de son livre Une brève histoire du temps, qui fut un succès planétaire. Certains affirment que son handicap physique a probablement contribué à affiner ses aptitudes de communication en le forçant à plus de concision. Même si la cosmologie était sa passion, il était aussi préoccupé par l’avenir de notre planète, par la politique de son pays. Il a milité contre le Brexit arguant que «ce serait un désastre pour la science au Royaume-Uni ».
Il aimait beaucoup voyager. Il est venu
quelques fois au Canada. Notamment, il a visité en 1998 et en 2012 l’Observatoire de neutrinos de Sudbury SNO Lab, qui est situé à deux kilomètres sous terre dans une mine de Sudbury. En 2010, il s’est rendu à l’Institut Périmètre de physique théorique de Waterloo en Ontario, qui l’avait nommé titulaire de l’une de ses prestigieuses chaires de recherche.
Il a continué à travailler et à écrire des articles provocants jusqu’à sa mort. Il y a un an, il a publié un article avec les physiciens Malcolm Perry et Andrew Strominger, des spécialistes de la théorie des supercordes, dans lequel ils suggèrent une nouvelle solution au problème de l’information perdue dans les trous noirs. «Il a continué d’être à l’avant-garde dans son domaine [de la cosmologie]», affirme M. Brandenberger.