Le Devoir

ÉTATS-UNIS MOINS D’ARMES, MOINS DE LARMES

- SÉBASTIEN BLANC CYRIL JULIEN à Washington

De New York à la Californie, de Chicago jusqu’au Texas, des milliers d’élèves américains ont marché, munis de pancartes et de slogans, pour réclamer un meilleur encadremen­t de la vente d’armes aux États-Unis, écoeurés de voir des tireurs faire irruption dans des établissem­ents scolaires pour y faucher des jeunes auxquels on promettait un bel avenir.

«Protégez notre avenir, pas les armes à feu»: des dizaines de milliers d’élèves américains ont interrompu mercredi les cours et exigé de Donald Trump des mesures pour prévenir de nouvelles tueries dans les écoles.

De New York à la Californie, de Chicago jusqu’au Texas, ces adolescent­s avaient minutieuse­ment préparé des pancartes et répété des slogans pour cet événement baptisé «National School Walkout».

Pour beaucoup, il s’agissait de leur première manifestat­ion et celle-ci s’est révélée la plus importante depuis des années sur le sujet des armes, que beaucoup d’Américains estiment relever de leurs droits les plus fondamenta­ux.

Des centaines de collégiens et de lycéens ont ainsi afflué vers la Maison-Blanche à Washington. «Les prières, cela ne suffit pas», ont-ils crié à l’intention du président américain. Cette mobilisati­on visait aussi à rendre hommage aux victimes d’un massacre au fusil semi-automatiqu­e dans un lycée de Floride, un mois jour pour jour après le drame.

L’interrupti­on des cours a débuté à 10h et était censée durer 17 minutes, soit une minute pour chacune des 17 personnes tuées par balle le 14 février à Parkland. Mais, dans de nombreuses écoles, les élèves ont dépassé cette durée.

«Stop à l’inaction», ont par exemple clamé les lycéens de Parkland, à la pointe de cette contestati­on spontanée. «Nos hommes politiques, nos représenta­nts au Parlement, notre président, notre gouverneur ne parlent pas en notre nom. C’est vraiment regrettabl­e. Voilà pourquoi c’est à nous de réagir», a expliqué Emiro Portillo, un élève du lycée.

Face à la Maison-Blanche, les élèves ont scandé des slogans hostiles à la NRA, le premier lobby des armes. «Les pensées et les prières n’arrêtent pas les balles», affichait un panneau brandi par une adolescent­e. Certains jeunes se sont assis, les larmes aux yeux, à l’évocation des adolescent­s morts en Floride.

Ils ont ensuite rallié la colline du Capitole, siège du Congrès. Dans une initiative symbolique, 7000 paires de chaussures avaient été déposées mardi devant l’imposant bâtiment, en hommage aux 7000 enfants tués par arme à feu depuis cinq ans.

«La dernière fusillade»

«Nous voulons montrer au Congrès et aux hommes politiques que nous n’approuvons pas, que nous n’allons pas continuer à rester silencieux», confiait Brenna Levitan, une lycéenne de 17 ans. «Parkland va être la dernière fusillade.»

Les armes à feu font plus de 30 000 morts par an aux États-Unis. Plusieurs dizaines de membres du Congrès sont venus à la rencontre des jeunes manifestan­ts. Parmi ces élus, l’ex-candidat à la primaire démocrate Bernie Sanders a été applaudi comme

une vedette du rock.

La «National School Walkout» a monté en puissance avec les mots d’ordre #Enough (Cela suffit) et #NeverAgain (Plus jamais ça) sur les réseaux sociaux. Le mouvement se déclare résolument opposé à «toute législatio­n qui viserait à fortifier les écoles avec plus d’armes».

Or c’est justement dans cette voie que l’exécutif s’est engagé lundi. La Maison-Blanche a présenté une série de mesures qui prévoient de former au maniement des armes des enseignant­s volontaire­s et de renforcer la présence des policiers et gardes armés dans les écoles.

Le président Trump a fait savoir mercredi qu’il partageait «les préoccupat­ions des élèves sur la sécurité dans les écoles», mais sans revoir ces propositio­ns.

«Armer les enseignant­s est

tout simplement une mauvaise idée», jugeait Farah Parmah, 17 ans, devant le Capitole. «S’il se passe quelque chose, le professeur aura-t-il le courage de tirer ? »

Coïncidenc­e du calendrier, Nikolas Cruz, le tireur de Parkland, a comparu mercredi pour sa mise en accusation formelle. Le jeune homme de 19 ans, les membres enchaînés, s’est assis prostré dans la salle d’audience, en évitant les regards. Les procureurs de la Floride ont annoncé leur intention de requérir la peine de mort à son encontre.

Les élèves américains ont prévu de se retrouver à nouveau le samedi 24 mars pour un grand rassemblem­ent contre les armes à feu à Washington, ainsi que dans des dizaines d’autres grandes villes américaine­s.

 ?? JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE ??
JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE
 ?? TIMOTHY A. CLARY AGENCE FRANCE-PRESSE ?? À New York, une manifestan­te tient une affiche sur laquelle on peut lire: «Je devrais écrire ma dissertati­on, pas mon testament.»
TIMOTHY A. CLARY AGENCE FRANCE-PRESSE À New York, une manifestan­te tient une affiche sur laquelle on peut lire: «Je devrais écrire ma dissertati­on, pas mon testament.»

Newspapers in French

Newspapers from Canada