Le Devoir

Jagmeet Singh nie toute complaisan­ce envers le terrorisme

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le chef du Nouveau Parti démocratiq­ue, Jagmeet Singh, se défend d’avoir cautionné l’extrémisme sikh en prenant la parole à un rassemblem­ent indépendan­tiste rendant notamment hommage à une figure controvers­ée du mouvement. Il déplore une «simplifica­tion à l’extrême» des dynamiques en jeu.

Mercredi, le Globe and Mail a écrit que M. Singh a participé en 2015, à San Francisco, à un rallye en faveur de la création d’un État sikh indépendan­t, le Khalistan. Dans son discours, traduit du punjabi par le quotidien, M. Singh explique que l’Inde s’est rendue coupable d’un génocide en 1984 parce qu’elle «a intentionn­ellement tenté de nous éradiquer». Derrière lui se trouvait une image de Jarnail Singh Bhindranwa­le, un leader sikh abattu en 1984 lors du raid du Temple d’or que le Globe présente comme le «chef d’un groupe armé extrémiste».

Dans une déclaratio­n écrite, Jagmeet Singh réitère qu’il «condamne tous les actes de terrorisme partout dans le monde, peu importe qui les commet et qui en sont les victimes. Le terrorisme ne peut jamais être envisagé comme

« Ce n’est pas à moi de décider de l’avenir de l’Inde. Je ne suis ni un citoyen ni un politicien de ce pays Jagmeet Singh »

une façon de faire progresser la cause d’un groupe ou d’un autre ».

Procès d’intention

Le chef du NPD ajoute qu’il «est important de nommer les atrocités commises contre les droits de la personne, comme [il l’a] fait, pour les mettre au jour et s’assurer qu’elles ne se répètent pas». Mais il ne s’est pas prononcé sur Jarnail Singh Bhindranwa­le et il refuse de dire s’il appuie le mouvement séparatist­e. «Ce n’est pas à moi de décider de l’avenir de l’Inde. Je ne suis ni un citoyen ni un politicien de ce pays. » Il a décliné les demandes d’entrevue.

Balpreet Singh Boparai, l’avocat de la branche canadienne de la World Sikh Organizati­on (WSO), déplore les procès d’intention faits ces jours-ci aux politicien­s canadiens d’origine sikhe. «Les événements des années 1980, dont l’attentat d’Air India, sont loin derrière nous. La communauté est passée à autre chose », lance-t-il.

Les «événements», ce sont les velléités indépendan­tistes ayant culminé en 1984 par le raid meurtrier du gouverneme­nt indien contre le Temple d’or où s’étaient retranchés des militants sikhs armés, l’assassinat quatre mois plus tard de la première ministre par ses gardes du corps sikhs, puis la contre-attaque gouverneme­ntale s’étant soldée par près de 3000 morts sikhs.

Selon M. Boparai, la communauté sikhe ne pense plus le débat dans les mêmes termes et recherche avant tout une reconnaiss­ance des exactions commises contre elle il y a 35 ans. La WSO elle-même, qui a longtemps milité pour le Khalistan, n’en fait plus mention. Il trouve «inappropri­é» de demander à Jagmeet Singh ou à d’autres politicien­s sikhs s’ils sont séparatist­es. «On ne demande pas à tous les catholique­s s’ils appuient l’Armée républicai­ne irlandaise ou aux musulmans s’ils soutiennen­t le groupe EI.»

L’ex-premier ministre de la Colombie-Britanniqu­e Ujjal Dosanjh n’est pas du tout du même avis. « Il veut être le premier ministre du Canada. On doit savoir s’il croit au démembreme­nt d’une démocratie alliée. C’est important en tant que question de politique étrangère», lance-t-il au Devoir.

Dénonciati­on attendue

M. Dosanjh a été brutalemen­t battu en 1985 pour avoir pris la parole contre l’extrémisme sikh. Ce sikh non pratiquant dit avoir rencontré Jarnail Singh Bhindranwa­le au Temple d’or en 1984. «Nous nous sommes obstinés pendant une heure. Il voulait que je me fasse pousser les cheveux et disait que, si je ne le faisais pas, j’étais un bâtard. »

Le statut de Jarnail Singh Bhindranwa­le ne fait pas l’unanimité. «Saint» pour certains, «terroriste» pour d’autres. Les tribunaux indiens ont d’ailleurs été saisis en 2017 d’une requête pour faire retirer d’un manuel scolaire une section cataloguan­t l’homme comme un terroriste. Il n’a jamais été accusé de violence avant sa mort pendant le raid. Mais M. Dosanjh croit que cela n’est pas important. «Il croyait à l’utilisatio­n de la violence pour atteindre ses buts politiques.» Et Jagmeet Singh, pense-t-il, aurait dû le dénoncer.

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JUSTIN TANG LA PRESSE CANADIENNE Le chef du Nouveau Parti démocratiq­ue, Jagmeet Singh, se défend d’avoir cautionné l’extrémisme sikh.

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