Le Devoir

Des conditions de détention inhumaines

Devant la commission Viens, le Protecteur du citoyen sonne l’alarme une deuxième fois

- LISA-MARIE GERVAIS

Le Protecteur du citoyen a de nouveau sonné l’alarme sur les conditions inhumaines de détention des Inuits qui ont toujours cours dans certains villages du Nunavik. À la suite d’un rapport d’enquête dévastateu­r publié en 2016, certaines recommanda­tions ont été appliquées, mais d’autres, pourtant très urgentes, ne l’ont pas été, a affirmé devant la commission Viens l’un des enquêteurs, qui revient tout juste d’un séjour de suivi dans le Grand Nord.

La principale recommanda­tion était et demeure la constructi­on d’un centre de détention à Puvirnituq, où les quelques cellules du poste de police ne suffisent plus aux besoins et posent des risques pour la sécurité. Certains détenus devaient même être menottés aux poignées de porte extérieure­s des cellules, faute d’un nombre suffisant de cellules. Des discussion­s entre le ministère de la Sécurité publique, l’Administra­tion régionale Kativik et d’autres acteurs concernés devaient permettre de concrétise­r le projet.

Robin Aubut-Fréchette, qui a mené l’enquête pour le bureau du Protecteur du citoyen, craint que ce projet ne voie pas le jour rapidement. «On a été informés que ce lieu de détention pourra être construit en 2019 seulement si l’appel d’offres est fait dans les prochains mois, sinon ce sera impossible de faire livrer les matériaux. […] La constructi­on sera alors retardée à 2020», s’est-il inquiété. Interrogé par Le Devoir, le ministère de la Sécurité publique n’a pas été en mesure de dresser l’état de la situation.

Insalubrit­é et vétusté

En 2015, lors de son premier séjour, M. Aubut-Fréchette avait également constaté «l’état lamentable» des lieux où les détenus sont incarcérés en attente d’une comparutio­n ou lors du passage de la cour itinérante, en particulie­r à Puvirnituq. Promiscuit­é forcée, accès limité à l’eau potable, odeurs nauséabond­es, literie manquante ou souillée, malpropret­é des cellules. Le Protecteur du citoyen de l’époque, qui peut faire office d’ombudsman correction­nel du Québec, avait qualifié les conditions de détention de dignes du « tiers-monde ».

Cette fois, les problèmes d’insalubrit­é semblent avoir été réglés, sauf pour les matelas «qui étaient tous déchirés». Le problème de l’eau n’a pas non plus été entièremen­t réglé en raison du manque de réservoir. «Les principaux problèmes ont été réglés, mais la vétusté du poste de Puvirnituq fait en sorte que les gens doivent encore manger par terre», a souligné M. Aubut-Fréchette, rappelant qu’il n’y avait pas de table dans les cellules.

Demeure aussi le problème de confinemen­t des détenus, qui sont dans leurs cellules 24 heures sur 24 faute d’aire commune. C’est contraire à la loi, rappelle M. Aubut-Fréchette. Seul l’établissem­ent de détention de Kuujjuaq possède une cour, mais elle n’est toujours pas utilisée, a-t-il déploré. Et plus de deux ans après la sortie du rapport, l’angle des caméras de surveillan­ce, qui pointe la toilette de chaque cellule, n’a pas non plus été modifié par le Service de police de Puvirnituq.

Améliorati­ons

Des vols nolisés ont toutefois été ajoutés entre l’Abitibi et le Nunavik afin de réduire le nombre de personnes en détention dans les cellules, et les effets personnels des détenus, qui étaient très souvent égarés, sont désormais entreposés correcteme­nt.

En 2016-2017, de toutes les plaintes concernant l’administra­tion publique reçues par le Protecteur du citoyen, 4885 (41%) touchent les services correction­nels du Québec, dont à peine 23 proviendra­ient d’autochtone­s. La protectric­e du citoyen, Marie Rinfret, a reconnu que son bureau n’a pas le portrait juste de la situation des autochtone­s puisqu’il ne comptabili­se pas les données sur les origines afin d’écarter toute apparence de profilage. Elle a aussi admis que très peu d’autochtone­s avaient recours à son service, ignorant fort probableme­nt son existence.

Newspapers in French

Newspapers from Canada