Quel plan pour l’avenir du Silo no 5 ?
Après plus de trois ans à travailler sur des maquettes, à consulter des spécialistes et à sonder d’éventuels partenaires, l’architecte Pierre Thibault et l’homme d’affaires Benoît Berthiaume croient qu’il est plus que temps d’aller de l’avant avec une idée globale pour relancer la vie en bordure du quai de la Pointe-du-Moulin, tout autour du Silo numéro 5. Cet imposant silo, Pierre Thibault croit que c’«est un peu notre Colisée de Rome» et que cela suffit de le laisser à l’abandon alors qu’il fait face à la ville.
Si le duo Thibault-Berthiaume s’empresse aujourd’hui de présenter sous tous les projecteurs les maquettes de sa vision d’un nouveau quartier, c’est en partie parce qu’il est inquiet de voir la Société du Vieux-Port de Montréal (SVPM), une entité de la Société immobilière du Canada, lancer un appel d’offres pour la réalisation d’un projet qui ne consisterait qu’à penser la réutilisation d’une portion de l’espace plutôt qu’à proposer une vision sociale et urbaine globale. «On ne voudrait pas que Montréal connaisse un Griffintown II», dit Pierre Thibault en entrevue au Devoir.
Du côté de la SVPM, on ne cache pas qu’on est en attente de lancer un appel d’offres. Un plan directeur général existe déjà. Pour l’instant, le porte-parole de la SVPM affirme que la société est en discussion avec la nouvelle administration municipale avant de lancer un appel de projets. Aucune date n’a encore été fixée pour un appel public de projets.
Pour le duo Thibault-Berthiaume, il faut une école, une épicerie, mille logements à louer à prix abordable, des lieux où les familles pourraient voir jouer leurs enfants dans des cours communes, un hôtel sur pilotis, des ateliers d’artistes, des commerces de proximité, un musée, bref, un ensemble cohérent qui va au-delà d’un simple remodelage. «Maintenant, il faut aller vendre le projet à Ottawa», dit Benoît Berthiaume. Au nombre des appuis sur lesquels compte Ikonik, le promoteur du projet, on compte le groupe hôtelier Germain, l’entrepreneur Pomerleau. Benoît Berthiaume laisse tomber aussi les noms de bonzes de la finance montréalaise tels France Desmarais, Andrew Molson, Stephen Bronfman et l’ancien ministre Raymond Bachand.
La structure du silo serait à peine touchée. On en ferait un point d’observation, un circuit aérien avec à sa base un musée d’interprétation et un déambulatoire au coeur de ce nouveau quartier montréalais où, sur les toits, on pourrait se livrer à la culture, notamment celle du blé, en rappel du passé. Coût prévu de la visite pour payer les frais : 20$. «Ce nouveau quartier serait situé à quelques pas du nouveau REM. Ce serait une image forte pour Montréal.»
Ce projet de valorisation d’un quartier abandonné depuis des décennies ferait retrouver à ces espaces leur énergie d’antan, à une époque où Montréal, grâce au fleuve, était l’un des plus grands greniers à blé du monde. Ses bâtiments industriels du port avaient déjà suscité l’admiration d’un architecte comme Le Corbusier. Les projets pour redonner vie au lieu, tous timides, sont morts les uns après les autres. Le duo Thibault-Berthiaume souhaiterait l’habiller, sans trop le modifier, et développer tout autour un nouveau quartier.
«On ne se donne pas beaucoup la possibilité d’imaginer le meilleur, de mettre les exigences hautes», regrette Pierre Thibault. Les appels de projets, en général, donnent trop peu de temps à des groupes pour penser un lieu qui sera là pendant un siècle au moins. «Nous, ça fait plus de trois ans qu’on y pense, alors que rien ne bouge là depuis des décennies.On ne peut pas se permettre de gâcher ça. Nous, on veut faire réfléchir et rêver», dit M. Berthiaume.