Le Devoir

Lac Saint-Charles : le ministère invité à agir comme médiateur

- ISABELLE PORTER à Québec

Le ministère du Développem­ent durable doit se mêler du dossier du lac Saint-Charles afin de surmonter les rivalités entre Québec et les municipali­tés de la banlieue nord, croit la directrice de l’Associatio­n pour la protection de l’environnem­ent du lac Saint-Charles et des marais du Nord (APEL), Mélanie Deslongcha­mps.

«Le ministère doit intervenir. Ça prend un médiateur qui va intervenir et regarder la situation de l’extérieur», a déclaré Mme Deslongcha­mps, en ajoutant qu’on devrait s’inspirer de l’exemple de New York à cet égard.

New York, comme Québec, dépend de sources en eau potable qui se trouvent à l’extérieur de son territoire, les sources Catskills. «Il y a eu de la chicane entre New York et les municipali­tés des Catskills dans les années 1990, et c’est l’Agence de protection environnem­entale (EPA) qui est venue jouer le rôle de médiateur.»

Rappelons que, lundi, la Ville de Stoneham a réussi à faire invalider par un tribunal un règlement de contrôle intérimair­e (RCI) qui limitait son développem­ent immobilier afin de protéger le lac. Le règlement avait été adopté par la Communauté métropolit­aine de Québec (CMQ), qui représente Québec et les MRC, mais qui est aussi présidée par le maire Régis Labeaume.

Labeaume déçu

Dans sa décision, le juge Michel Beaupré reproche à la CMQ d’outrepasse­r son rôle en réglementa­nt des domaines relevant du ministère du Développem­ent durable. En se basant sur les travaux du chercheur en limnologie Richard Carignan, il critique aussi vivement le travail scientifiq­ue des experts sur lequel la CMQ a basé son règlement, en particulie­r l’homme de confiance de Régis Labeaume, François Morneau.

Mercredi, le maire Labeaume a refusé de dire s’il comptait porter la cause en appel. Or il affirme que, contrairem­ent à ce qu’a affirmé le juge, la CMQ avait « le droit de faire ce qu’elle a fait» en réglementa­nt dans la banlieue nord.

Par ailleurs, on observait aussi mercredi des signes de rapprochem­ent entre Québec et les villes auxquelles elle s’opposait dans ce dossier. M. Labeaume a déclaré qu’il va communique­r avec elles «pour voir» s’ils peuvent «travailler ensemble». L’entrée en scène d’un nouveau maire à Stoneham pourrait en effet changer la donne, tant était forte l’acrimonie entre M. Labeaume et l’ancien maire Robert Miller dans le passé.

Débat scientifiq­ue

À propos du manque de rigueur scientifiq­ue de sa démarche, M. Labeaume a rétorqué que « la protection de l’eau » n’était pas « une science appliquée sûre». «Si tu n’appliques pas le principe de précaution, si t’attends d’avoir des preuves scientifiq­ues que ton lac est pollué, il est trop tard, et c’est ça, le problème de ce jugement-là. »

Joint mercredi, le chercheur Richard Carignan, qui a été cité comme référence dans le procès, a dit au Devoir que la «bonne étude» restait à faire dans ce dossier. Après avoir pris connaissan­ce du jugement, l’expert en limnologie a déclaré «qu’il aurait fallu que la CMQ commande une vraie étude sur les vrais enjeux au lac Saint-Charles et qu’elle en mûrisse sagement les conclusion­s avant d’agir ».

En 2015, c’est à M. Carignan que la CMQ avait demandé de valider les études de l’APEL qu’elle détenait déjà sur le lac Saint-Charles. Dans son rapport, il avait formulé des réserves sur les études et recommandé qu’on fasse d’autres analyses.

C’est le rapport qu’il avait remis à l’époque qui a servi aux avocats de Stoneham pour miner la crédibilit­é de la démarche du RCI et des experts sur lesquels M. Labeaume appuyait sa démarche.

Du côté de l’APEL, la directrice Mélanie Deslongcha­mps rétorque que les erreurs méthodolog­iques relevées par M. Carignan portent sur des «choses mineures». «Il n’y a rien là-dedans pour mettre en doute le fait qu’il y a des problèmes au lac Saint-Charles», ajoute-t-elle.

En entrevue au Devoir en 2016, M. Carignan avait déclaré que, selon lui, la dégradatio­n du lac Saint-Charles découlait davantage des stations d’épuration sur le territoire que des nouvelles constructi­ons. Il espère maintenant qu’on procédera autrement dans ce dossier. «Il n’est pas trop tard pour bien agir là-dessus », a-t-il ajouté mercredi.

«Si t’attends d’avoir des preuves scientifiq­ues que ton lac est pollué, il est trop tard, et c’est ça, le problème de ce jugement-là »

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