Lac Saint-Charles : le ministère invité à agir comme médiateur
Le ministère du Développement durable doit se mêler du dossier du lac Saint-Charles afin de surmonter les rivalités entre Québec et les municipalités de la banlieue nord, croit la directrice de l’Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des marais du Nord (APEL), Mélanie Deslongchamps.
«Le ministère doit intervenir. Ça prend un médiateur qui va intervenir et regarder la situation de l’extérieur», a déclaré Mme Deslongchamps, en ajoutant qu’on devrait s’inspirer de l’exemple de New York à cet égard.
New York, comme Québec, dépend de sources en eau potable qui se trouvent à l’extérieur de son territoire, les sources Catskills. «Il y a eu de la chicane entre New York et les municipalités des Catskills dans les années 1990, et c’est l’Agence de protection environnementale (EPA) qui est venue jouer le rôle de médiateur.»
Rappelons que, lundi, la Ville de Stoneham a réussi à faire invalider par un tribunal un règlement de contrôle intérimaire (RCI) qui limitait son développement immobilier afin de protéger le lac. Le règlement avait été adopté par la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), qui représente Québec et les MRC, mais qui est aussi présidée par le maire Régis Labeaume.
Labeaume déçu
Dans sa décision, le juge Michel Beaupré reproche à la CMQ d’outrepasser son rôle en réglementant des domaines relevant du ministère du Développement durable. En se basant sur les travaux du chercheur en limnologie Richard Carignan, il critique aussi vivement le travail scientifique des experts sur lequel la CMQ a basé son règlement, en particulier l’homme de confiance de Régis Labeaume, François Morneau.
Mercredi, le maire Labeaume a refusé de dire s’il comptait porter la cause en appel. Or il affirme que, contrairement à ce qu’a affirmé le juge, la CMQ avait « le droit de faire ce qu’elle a fait» en réglementant dans la banlieue nord.
Par ailleurs, on observait aussi mercredi des signes de rapprochement entre Québec et les villes auxquelles elle s’opposait dans ce dossier. M. Labeaume a déclaré qu’il va communiquer avec elles «pour voir» s’ils peuvent «travailler ensemble». L’entrée en scène d’un nouveau maire à Stoneham pourrait en effet changer la donne, tant était forte l’acrimonie entre M. Labeaume et l’ancien maire Robert Miller dans le passé.
Débat scientifique
À propos du manque de rigueur scientifique de sa démarche, M. Labeaume a rétorqué que « la protection de l’eau » n’était pas « une science appliquée sûre». «Si tu n’appliques pas le principe de précaution, si t’attends d’avoir des preuves scientifiques que ton lac est pollué, il est trop tard, et c’est ça, le problème de ce jugement-là. »
Joint mercredi, le chercheur Richard Carignan, qui a été cité comme référence dans le procès, a dit au Devoir que la «bonne étude» restait à faire dans ce dossier. Après avoir pris connaissance du jugement, l’expert en limnologie a déclaré «qu’il aurait fallu que la CMQ commande une vraie étude sur les vrais enjeux au lac Saint-Charles et qu’elle en mûrisse sagement les conclusions avant d’agir ».
En 2015, c’est à M. Carignan que la CMQ avait demandé de valider les études de l’APEL qu’elle détenait déjà sur le lac Saint-Charles. Dans son rapport, il avait formulé des réserves sur les études et recommandé qu’on fasse d’autres analyses.
C’est le rapport qu’il avait remis à l’époque qui a servi aux avocats de Stoneham pour miner la crédibilité de la démarche du RCI et des experts sur lesquels M. Labeaume appuyait sa démarche.
Du côté de l’APEL, la directrice Mélanie Deslongchamps rétorque que les erreurs méthodologiques relevées par M. Carignan portent sur des «choses mineures». «Il n’y a rien là-dedans pour mettre en doute le fait qu’il y a des problèmes au lac Saint-Charles», ajoute-t-elle.
En entrevue au Devoir en 2016, M. Carignan avait déclaré que, selon lui, la dégradation du lac Saint-Charles découlait davantage des stations d’épuration sur le territoire que des nouvelles constructions. Il espère maintenant qu’on procédera autrement dans ce dossier. «Il n’est pas trop tard pour bien agir là-dessus », a-t-il ajouté mercredi.
«Si t’attends d’avoir des preuves scientifiques que ton lac est pollué, il est trop tard, et c’est ça, le problème de ce jugement-là »