Le Devoir

Théâtre Énergie et authentici­té dans La déesse des mouches à feu

L’adaptation du roman québécois La déesse des mouches à feu capture l’énergie et l’authentici­té de l’adolescenc­e

- MARIE LABRECQUE Collaborat­rice Le Devoir

L’aplomb des comédienne­s, le soir de la première, aurait fait l’envie de bien des comédiens aguerris

LA DÉESSE DES MOUCHES À FEU Texte et adaptation : Geneviève Pettersen. Mise en scène: Patrice Dubois et Alix Dufresne. Production: Théâtre PÀP. Avec: Lori’anne Bemba, Zeneb Blanchet, Charlie Cliche, Evelyne Laferrière, Alexie Legendre, Éléonore Loiselle, Elizabeth Mageren, Kiamika Mouscardy-Plamondon, Éléonore Nault, Jade Tessier et Amaryllis Tremblay. Au théâtre de Quat’Sous jusqu’au 31 mars.

Plus encore qu’une transposit­ion scénique du roman de Geneviève Pettersen, La déesse

des mouches à feu est un spectacle sur l’adolescenc­e. Grâce à ses interprète­s âgées de 14 à 18 ans, la production du PÀP créée au Quat’Sous traduit l’énergie impétue u se, l a sponta néité, les excès, les brusques changement­s émotionnel­s de cet âge des expériment­ations. Une prise de parole frontale et crue, irrésistib­le par moments.

Ramenant un peu le récit à son sque- lette, cette version théâtrale retrace tou- tefois l’essentiel du parcours, autodestru­cteur et d’apprentiss­age, de Catherine. «Barouettée» entre des parents séparés, elle s’initie à la drogue, à l’amour et à la sexualité.

Allant du Chicoutimi de 1996, année d’un déluge aux proportion­s quasi bibliques, au Montréal contempora­in, la pièce s’est enrichie, un peu, de la vision de ses vedettes sur leur réalité d’aujourd’hui (dans les présentati­ons qui ouvrent le spectacle notamment). Mais la création semble surtout se concentrer sur ce qui demeure ultimement immuable dans l’étape périlleuse, éprouvante et exaltante de l’adolescenc­e. Un condensé d’une expérience qui est à la fois individuel­le et collective.

La décision particuliè­rement avisée de coiffer chacune des onze interprète­s, à tour de rôle, avec la couronne de la Déesse accentue ce caractère universel, et la dimension chorale rappelle l’importance, à cet âge, de l’appartenan­ce à un groupe. Cette protagonis­te de 14 ans emprunte donc ici une multitude de visages, de tailles, de couleurs, de styles.

Les metteurs en scène Patrice Dubois et Alix Dufresne ont recruté une belle distributi­on, d’une réelle diversité — dans plus d’un sens du terme. Si les jeunes comédienne­s manquent bien sûr parfois de la technique, de la finition que possèdent des acteurs profession­nels, c’est souvent amplement compensé par les accents de vérité de leur jeu. Et plusieurs déploient un véritable tempéramen­t sur scène. Ajoutons que leur aplomb, le soir de la première, aurait fait l’envie de bien des comédiens aguerris.

S’approprian­t ce récit qui les concerne, les interprète­s campent ici tous les rôles, garçons et parents compris. Comme si on assistait à un grand jeu, qui se rattache encore à l’enfance. Très soutenu par la trame musicale de Frannie Holder, le spectacle porte un univers à la fois ludique et sombre, où cohabitent sentiment de détachemen­t et fougue, cruauté et vulnérabil­ité. On y entend un rap percutant sur la haine de la mère — cette femme à qui leurs filles finissent pourtant, inéluctabl­ement, par ressembler. Mais aussi deux touchantes lettres d’amour — qui n’étaient pas dans le roman. Des temps forts d’une pièce qui nous rappelle l’intensité peut-être à jamais perdue de ce difficile âge de toutes les premières.

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 ?? BRUNO GUÉRIN ?? Cette version théâtrale retrace l’essentiel du parcours, autodestru­cteur et d’apprentiss­age, de Catherine.
BRUNO GUÉRIN Cette version théâtrale retrace l’essentiel du parcours, autodestru­cteur et d’apprentiss­age, de Catherine.

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