Le Devoir

Moscou dénonce la « provocatio­n grossière » de Londres

Theresa May a annoncé l’expulsion de 23 diplomates russes, en réponse à l’empoisonne­ment de Sergueï Skripal

- FLORENCE BIEDERMANN à Londres

La première ministre britanniqu­e, Theresa May, a annoncé mercredi l’expulsion de 23 diplomates et le gel des contacts bilatéraux avec la Russie, après avoir déclaré Moscou «coupable» de l’empoisonne­ment d’un ex-espion russe sur son sol, s’attirant les foudres du Kremlin.

Le ministère russe des Affaires étrangères a répliqué en dénonçant «une provocatio­n grossière», accusant Londres d’avoir «fait le choix de l’affronteme­nt». «Nos mesures de riposte ne se feront pas attendre », a menacé Moscou.

Theresa May a dénoncé devant le Parlement «un usage illégal de la force par l’État russe contre le Royaume-Uni» et jugé «tragique» la «voie choisie» par le président russe, Vladimir Poutine, qui n’a pas répondu à sa demande d’explicatio­n sur cette affaire.

Elle s’exprimait dix jours après l’empoisonne­ment d’un ex-espion, Sergueï Skripal, 66 ans, et de sa fille Ioulia, 33 ans, victimes d’une attaque avec un agent innervant militaire de fabricatio­n russe à Salisbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre.

À New York, lors d’une session du Conseil de sécurité convoquée en urgence à la demande de Londres, les ÉtatsUnis, «solidaires du RoyaumeUni», ont aussi affirmé que «la Russie était responsabl­e» de cet empoisonne­ment. Une accusation rejetée en bloc par Moscou.

Pour plusieurs experts, la réaction britanniqu­e est restée mesurée. Le niveau de réponse est même «particuliè­rement faible», estime Mathieu Boulègue, chercheur au cercle de réflexion londonien Chatham House, pointant l’absence de sanctions financière­s. Pour Jonathan Eyal, du centre de réflexion RUSI, il s’agit d’une «première étape» et Theresa May «s’est gardé des munitions».

Appel à la vigilance

L’escalade des tensions entre le Royaume-Uni et la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité, intervient à quelques jours de l’élection présidenti­elle en Russie, dimanche, dont le président Vladimir Poutine est le grand favori, et à trois mois de la Coupe du monde de soccer en Russie.

Theresa May a précisé que Londres n’enverrait aucun représenta­nt, diplomate ou membre de la famille royale, à la compétitio­n.

Ce choix n’aura «pas d’impact sur la qualité du tournoi», ont commenté les organisate­urs russes, déplorant que «tout le monde n’adhère pas au principe de laisser le football en dehors de la politique ».

Le ministère britanniqu­e des Affaires étrangères a par ailleurs appelé à la «vigilance» les Britanniqu­es souhaitant se rendre en Russie, redoutant des réactions hostiles contre eux.

La Russie disposait jusqu’ici de 59 diplomates accrédités au Royaume-Uni. Les 23 diplomates ciblés, considérés par Londres comme des «agents de renseignem­ent non déclarés», ont «une semaine» pour quitter le territoire. Il s’agit de la vague d’expulsion de diplomates russes par le RoyaumeUni la plus importante depuis la guerre froide.

Theresa May a aussi menacé de geler les avoirs de l’État russe. Ajoutant qu’elle suspendait «tous les contacts bilatéraux de haut niveau prévus», elle a toutefois dit «continuer de croire que ce n’est pas dans notre intérêt national de couper tout dialogue ».

À l’ONU, plusieurs pays — France, Pologne, Pays-Bas, Suède… — ont apporté leur soutien à Londres, d’autres — Chine, Kazakhstan, Éthiopie, Bolivie — appelant à la prudence et à une «enquête indépendan­te » et « dépolitisé­e ».

Peu avant la réunion, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, avait qualifié d’«inacceptab­le» l’utilisatio­n d’agents innervants comme armes, soulignant que «leur utilisatio­n par un État constituer­ait une violation grave du droit internatio­nal».

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a estimé que la Russie était « très probableme­nt» derrière cette «attaque brutale» et annoncé qu’il allait demander à mettre le sujet à l’ordre du jour du sommet européen prévu la semaine prochaine.

L’OTAN a sommé la Russie de répondre aux questions posées par le Royaume-Uni et qualifié l’empoisonne­ment de Skripal de «violation flagrante des normes et accords internatio­naux» sur les armes chimiques.

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ADRIAN DENNIS AGENCE FRANCE-PRESSE L’enquête sur l’empoisonne­ment de Sergueï Skripal et de sa fille s’est poursuivie, mercredi, à Salisbury.

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