S’unir entre diffuseurs pour ne pas s’effacer
Le vice-président principal de Radio-Canada, Michel Bissonnette, tend la main à ses homologues francophones pour freiner les Netflix de ce monde
Afin d’offrir une compétition francophone forte aux géants américains comme Netflix, le vice-président principal de Radio-Canada tend officiellement la main aux autres diffuseurs d’ici afin de créer une offre de contenus unie sous le chapeau de Tou.tv.
«Il faut se serrer les coudes entre nous plutôt que de se concurrencer comme on l’a fait depuis des années», a lancé M. Bissonnette en marge d’une allocution donnée à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
En poste depuis un peu plus d’un an, le vice-président, un ancien producteur privé chez Zone 3, veut «travailler activement avec les collègues de l’industrie, Bell, Québecor, Groupe V Média, TéléQuébec et les autres».
M. Bissonnette a souligné dans son discours l’arrivée en force d’Amazon et de Disney dans le monde de la vidéo sur demande. Quant à Netflix, le vice-président a cité des chiffres de l’Observateur des technologies des médias de l’automne 2017 voulant que 55% des Canadiens de 18-34 ans soient abonnés au populaire service.
Avant le numérique, «quand on était dans un environnement protégé, la bataille se faisait entre nous, les joueurs francophones, sur le territoire, a-t-il résumé. À partir du moment où c’est les Netflix ou les Facebook de ce monde qui arrivent [avec] une offre de programmation, si on ne s’associe pas pour avoir une offre qui soit complémentaire, qui soit pertinente, ma crainte c’est qu’on perde le public francophone, qui va aller consommer du produit anglophone. »
Michel Bissonnette aimerait donc un «changement de paradigme important» pour Tou.tv, qui est vue comme une plateforme pour les contenus radio-canadiens. «Là, on va entamer des discussions dans les prochaines semaines pour au moins offrir aux gens qu’on héberge leurs contenus. On veut une plateforme qui est ouverte, et c’est notre rôle comme diffuseur public de faire ça.»
Et selon le vice-président principal de RadioCanada, les actuels concurrents se montrent réceptifs à cette idée, ajoutant que «quand la concurrence arrive de l’étranger, c’est là que tout d’un coup la solidarité canadienne prend forme».
Devant l’idée d’imposer des quotas francophones ou canadiens à Netflix, comme ceux imposés à Radio-Canada par le CRTC, Michel Bissonnette estime que le diffuseur n’a pas à dire au gouvernement quoi faire. «Ce qui est important, c’est qu’il y ait la plus grande équité possible entre les joueurs. On sait que le gouvernement a un rôle à jouer là-dedans et on va lui laisser le jouer.»
«Faire autrement»
Dans son allocution sur le rôle de Radio-Canada dans la société, Michel Bissonnette est souvent revenu sur le fait que le diffuseur public doit «faire autrement» pour rester crédible et pertinent pour les Canadiens.
«Chaque francophone, peu importe sa génération, son origine ou sa région, doit se reconnaître et se sentir interpellé par nos contenus», a-t-il lancé. Ce qui passe selon lui par une information crédible et plus riche, et par une approche «plus numérique, plus innovante, plus diversifiée».
Mais au-delà de ces mots clés, comment se concrétisent ces valeurs? «Quand on fait des webséries comme L’âge adulte, sur Tou.tv, sincèrement ce n’est pas rentable. Mais ça permet de rejoindre une clientèle qui est plus jeune, qui s’intéresse à ces produits-là. Et pour nous, c’est ça faire autrement. Un diffuseur privé, et je le sais pour y avoir déjà travaillé, sa seule réalité c’est qu’il doit être rentable à la fin de l’année, et donc il doit absolument créer des rendez-vous qui sont les plus rassembleurs possible. Mais quand on fait ça, inévitablement on perd certains groupes qui sont plus nichés.»