Le Devoir

Un retard à rattraper dans les projets de transport collectif au Québec

Si le Québec veut sa part des subvention­s promises par Ottawa, il doit presser le pas dans l’élaboratio­n des projets

- ANNABELLE CAILLOU

Tramway, métro, voies réservées, système rapide par bus, ou encore trains légers: de nombreux projets de transport collectif sont dans les cartons depuis des années au Québec. Plusieurs d’entre eux pourraient enfin se réaliser s’ils arrivent à accaparer une part des subvention­s prévues par Ottawa.

Déterminé à récolter sa part des milliards de dollars du gouverneme­nt fédéral pour développer le transport en commun, le maire de Québec, Régis Labeaume, a dévoilé son projet de tramway vendredi. Il faut dire que la date butoir pour déposer des projets approche, une entente devant être signée entre Québec et Ottawa à la fin du mois de mars, ce qui inquiète les experts et acteurs du milieu.

Les règles d’attributio­n des sommes de la seconde phase du Fonds pour les infrastruc­tures du transport en commun (FITC) doivent être fixées le 31 mars prochain.

Lors de son budget 2016, le gouverneme­nt de Justin Trudeau a créé le FITC, promettant des sommes destinées au maintien et au développem­ent des infrastruc­tures de chaque province et territoire du pays. Et si la première phase, actuelleme­nt en place, concerne essentiell­ement la remise en état et la modernisat­ion des réseaux existants, la seconde devrait permettre la mise en oeuvre de projets structuran­ts au cours des dix prochaines années.

Encore faut-il que des projets

soient proposés. La semaine dernière, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick ont déjà signé une entente avec le gouverneme­nt Trudeau pour enclencher la phase 2 du programme sur leur territoire. Le Québec, pour sa part, est toujours en négociatio­n pour déterminer comment seront utilisés les 5 milliards de dollars dont la province pourra bénéficier à long terme.

Du retard?

Des négociatio­ns plus ardues que prévu: la semaine dernière, le Journal de Québec révélait qu’une erreur s’était glissée dans le calcul de l’enveloppe fédérale réservée au Québec. Une douzaine de sociétés de transport n’ont pas été prises en compte dans le calcul de la part revenant à la province dans le cadre de la phase 1 du FITC. Ce ne sont pas moins de 40 millions de dollars que Québec devrait pouvoir réclamer.

«Il y a effectivem­ent une proportion supplément­aire que le Québec pourrait aller chercher, a reconnu le ministre des Transports, André Fortin, à l’Assemblée nationale la semaine passée. Cette proportion supplément­aire là fait partie des demandes pour la deuxième phase du FITC, qui est présenteme­nt en négociatio­n».

Aux yeux des experts et des acteurs du milieu interrogés par Le Devoir, le Québec devrait presser le pas et rattraper le retard qu’il a déjà pris dans la première phase du projet.

«Les gouverneme­nts changent, les priorités changent. C’est maintenant qu’on a l’occasion d’avoir ce financemen­t, on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir. On n’a aucune garantie que cet investisse­ment ne va pas disparaîtr­e si on ne le réclame pas au plus vite», s’inquiète Samuel Pagé Plouffe, coordonnat­eur de l’Alliance Transit, l’Alliance pour le financemen­t des transports collectifs au Québec.

Une occasion à saisir

«Il ne faut pas qu’on perde cette occasion, c’est ridicule. Nos bus sont pleins, nos métros sont pleins, il faut faire quelque chose au plus vite, car ça n’a pas de sens», renchérit la professeur­e au Départemen­t d’études urbaines et touristiqu­es de l’UQAM Florence Junca-Adenot.

Les propositio­ns et l’approbatio­n des projets n’allant pas à un rythme assez soutenu au Québec, la phase 1 a dû être prolongée pour permettre à la province de ne pas perdre les subvention­s du fédéral auxquelles elle avait droit.

Les autres provinces canadienne­s ont pourtant déjà utilisé la quasi-totalité des sommes qui leur étaient accordées. Initialeme­nt, les dépenses devaient être engagées entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2018. Or à l’approche de la date limite, plus de 573 millions de dollars dormaient encore à Ottawa sur une enveloppe totale de 923 millions réservée au Québec. Deux années supplément­aires ont été accordées au Québec, qui a désormais jusqu’au 31 mars 2020 pour lancer les projets et utiliser ces subvention­s du fédéral.

À l’heure actuelle, plus de 200 projets ont été approuvés et sont pour la plupart encore en cours. Le MTQ n’ayant pas rappelé Le Devoir, difficile de savoir quel est le nombre de projets en attente ou sur le point d’être déposés prochainem­ent.

Des pertes de temps

« Le Québec n’était pas prêt », juge le directeur général de la Fondation David Suzuki pour le Québec, Karel Mayrand. Lorsque le FITC a été annoncé par le gouverneme­nt de Justin Trudeau en 2016, les administra­tions à Québec et Montréal étaient davantage dans une période d’austérité budgétaire ou de réforme de gouvernanc­e — la création de l’ARTM en témoigne — plutôt «qu’en mode action ».

En concurrenc­e entre elles, les municipali­tés ont aussi tardé à choisir et à présenter les projets de transport collectif qu’elles voulaient dans leur ville.

Il suffit de se souvenir du projet de service rapide par bus (SRB) lancé au printemps dernier, devant relier la ville de Québec à sa banlieue sud. La municipali­té de Lévis a finalement abandonné la vieille capitale, ne trouvant pas son compte dans le projet et s’inquiétant de son financemen­t. «Québec a dû repenser tout son projet de transport en commun, sans Lévis, ça fait perdre du temps forcément», explique M. Mayrand.

Le gouverneme­nt Couillard a surtout fait preuve d’un manque de planificat­ion flagrant, estime de son côté Philippe Cousineau Morin, directeur de Trajectoir­e Québec. «On est dans la vieille culture, on attend les promesses au moment des élections, projet par projet, plutôt que d’être capables d’en planifier plusieurs sur le court et long terme», déplore-t-il.

Karel Mayrand a toutefois bon espoir de voir l’ensemble des fonds disponible­s investis dans des projets au Québec. «On devrait avoir une accélérati­on dans les demandes de projets désormais et rattraper notre retard, dit-il. On vit tout de même une période excitante en matière de transports. C’est un beau problème que de se demander quels projets pourraient bénéficier d’une aide financière d’Ottawa ».

Les règles d’attributio­n des sommes de la seconde phase du Fonds pour les infrastruc­tures du transport en commun doivent être fixées le 31 mars prochain

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 ?? CATHERINE LEGAULT LE DEVOIR ?? Dans son budget 2016, le gouverneme­nt de Justin Trudeau a intégré le Fonds pour les infrastruc­tures du transport en commun (FITC), dont la seconde phase doit permettre la mise en oeuvre de projets de transports collectifs structuran­ts au cours des dix...
CATHERINE LEGAULT LE DEVOIR Dans son budget 2016, le gouverneme­nt de Justin Trudeau a intégré le Fonds pour les infrastruc­tures du transport en commun (FITC), dont la seconde phase doit permettre la mise en oeuvre de projets de transports collectifs structuran­ts au cours des dix...
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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Vendredi, le maire de Québec, Régis Labeaume, accompagné du premier ministre Couillard, a dévoilé son projet de tramway, qui sera normalemen­t fonctionne­l dans huit ans.

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