Auteurs sur demande
La nouvelle réalité du cinéma d’auteur en diffusion continue en table ronde
Alors que le cinéma international et d’auteur peine à être diffusé en salle et que les clubs vidéo s’en sont allés rejoindre les vestiges de l’histoire, les sites de vidéo sur demande (VSD) s’imposent désormais comme la solution de rechange toute désignée pour les cinéphiles. Une table ronde sur le sujet, «Cinéma d’auteur en streaming », s’est tenue au festival Regard cette fin de semaine.
Animée par Paul Landriau, cofondateur de Point de vues, l’événement a fait salle comble. Des visages jeunes pour la plupart, mais pas que. Quatre invités sont venus parler de leurs plateformes respectives: Anne Paré (Les films du 3 mars ou F3M et VUCAVU), Madeline Robert (Tënk), Eric Malyshev (Fandor) et Kurt Walker (MUBI).
Streaming PQ
Directrice générale de l’organisme de distribution F3M, Anne Paré a expliqué que le tournant «streaming» tenait de la nécessité.
«À partir de 2013, le taux de fréquentation des salles a vraiment commencé à chuter. Le cycle d’un film au cinéma étant très court, ça devenait impossible […]. Nous avions la possibilité de “greffer” notre interface à la plateforme Vimeo Pro afin de proposer nos films au public. Et c’est ce qu’on a fait: on a numérisé tous nos titres et on les a inscrits en vidéo sur demande de cette façon. »
Quant à VUCAVU, ce site donne accès à « 45 ans de films et de vidéos canadiens ».
Chez nous, le distributeur KFilms Amérique a lui aussi rendu son catalogue accessible par l’entremise de Vimeo. On pense aussi à Éléphant: mémoire du cinéma québécois, qui restaure et numérise le patrimoine cinématographique d’ici, et qui emprunte la voie de la VSD depuis 10 ans.
De l’Ardèche à la Californie
Plateforme française, Tënk se consacre pour sa part aux documentaires d’auteur, courts et longs. Le site lancé en 2016 a été mis sur pied à Lussas, un village de 1000 habitants qui accueille chaque année les États généraux du film documentaire.
«Au-delà de la diffusion, nous voulons produire des documentaires», a indiqué Madeline Robert en précisant souhaiter que Tënk devienne accessible au Québec prochainement.
De son côté, la plateforme
américaine Fandor a été fondée en 2011 par trois finissants de l’Université Berkeley.
«Ils venaient de la technologie, mais ils étaient des cinéphiles. Ils ont voulu fusionner leurs passions et donner une vitrine et des services aux cinéastes indépendants laissés pour compte par Netflix, qui faisait alors principalement l’acquisition de gros titres en anglais […]. Nous visons un public cinéphile, mais nous avons la sélection la plus éclectique qui soit, selon moi. »
Le cas MUBI
Jadis nommé The Auteurs, MUBI est apparu en 2007. «Notre président fondateur, Efe Cakarel, se trouvait dans un café de Tokyo et l’envie lui a pris de regarder Les silences du désir, de Wong Kar-wai, mais il ne pouvait trouver le film nulle part sur Internet. Il a alors vu une occasion, un manque à combler sur Internet pour du grand cinéma », a relaté Kurt Walker.
Plutôt que de créer un catalogue exponentiel pour ses quelque 7 millions de membres répartis partout dans le monde, MUBI a, à l’inverse, décidé de circonscrire son offre à 30 titres à la fois. Chaque jour, un film est ajouté et un autre, retiré, avec toujours une durée de vie en ligne de 30 jours.
«Le but est que les films soient vus, et nous nous sommes aperçus que plusieurs, des trésors cachés de festivals notamment, passaient sous le radar; qu’ils n’avaient pas leur juste chance de briller. Ce nouveau modèle est très concluant. »
Essentielles salles
Qu’est-ce qui a la cote sur MUBI ? L’un des films les plus regardés ces jours-ci est Cléo de 5 à 7, chef-d’oeuvre de 1962 signé Agnès Varda. Évidemment, et cela vaut aussi pour Fandor, les droits de diffusion varient pour les oeuvres d’un pays à l’autre et l’offre n’est pas la même partout.
Fait à signaler, MUBI a créé une division de distribution de films qui sont présentés en salle avant d’atterrir sur la plateforme. Le modèle inverse de Netflix, comme l’a expliqué Paul Landriau.
Kurt Walker est loin d’y voir une contradiction. « Nous sommes des cinéphiles, a-t-il réitéré. L’expérience de la salle demeure fondamentale pour nous. »
François Lévesque se trouvait à Saguenay à l’invitation du festival Regard.