Le Devoir

La suspension de l’enquête sur les femmes autochtone­s réclamée

L’organisme Femmes autochtone­s du Québec juge que le volet juridique est négligé et demande des ajustement­s

- AMÉLI PINEDA

Femmes autochtone­s du Québec (FAQ) demande à Ottawa de suspendre l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s (ENFFADA) jusqu’à l’automne, avant de lui accorder la permission de prolonger ses travaux. L’organisme croit qu’un ajustement des pratiques est nécessaire, estimant que, dans sa forme actuelle, l’ENFFADA s’apparente davantage à une commission de vérité qu’à une enquête.

«Cette commission-là se développe sous forme de vérité réconcilia­tion. On accorde beaucoup d’espace pour les familles et c’est très bien, mais l’aspect juridique est important si on veut obtenir justice», soutient Viviane Michel, présidente de FAQ.

Mme Michel, qui a assisté à plusieurs audiences, se dit préoccupée par la qualité de la preuve qui sera amassée par la commission.

Jusqu’à présent, une grande partie des familles ont témoigné sans déposer de documents institutio­nnels, comme des rapports de police, des dossiers médicaux ou des rapports de coroner, qui appuieraie­nt non seulement leurs dires, mais permettrai­ent aussi «de solidifier ce qui est dénoncé depuis des années».

« Ça fait du bien aux familles de s’exprimer, mais le but de la commission n’est pas de s’éterniser sur la vérité-réconcilia­tion. C’est une démarche qui a déjà été faite et qu’on a continué à faire à travers les organismes », dit Mme Michel.

« Si ça continue dans le même sens, on n’aura » toujours rien validé Viviane Michel, présidente de Femmes autochtone­s du Québec

Selon la présidente de FAQ, l’ENFFADA devrait plutôt profiter des pouvoirs qui lui ont été accordés pour «valider les injustices».

FAQ croit qu’avant d’accorder une prolongati­on de ses travaux de deux ans, comme l’a demandé la commission le 6 mars dernier, Ottawa devrait s’assurer d’une restructur­ation.

«Si ça continue dans le même sens, on n’aura toujours rien validé. Si on veut que justice soit faite, il faut entendre toutes les personnes concernées et la commission a le pouvoir d’appeler des gens à témoigner. Elle peut faire entendre l’agent de police concerné ou le coroner concerné», fait valoir Mme Michel.

Penser différemme­nt

L’ENFFADA, qui a jusqu’à présent entendu à travers le pays 763 témoins lors de 134 audiences publiques et de 103 audiences à huis clos, estime avoir été claire dès le début.

«La commission a deux phases, la première étant celle de consignati­on de la vérité, puis la deuxième étant celle d’investigat­ion, et les deux se chevauchen­t », indique la commissair­e Michèle Audette.

L’ENFFADA « a fait le choix » de penser les choses autrement pour assurer une écoute respectueu­se à toutes les familles. La commissair­e souligne que la commission voulait éviter d’avoir l’air d’un tribunal.

« C’est une approche think outside the box — penser différemme­nt. On savait qu’on changeait la façon de faire traditionn­elle, mais notre priorité, c’était d’assurer à des familles qui ont vécu des traumatism­es une écoute sans la pression d’un contre-interrogat­oire», explique Mme Audette.

Réaction de la ministre

Au cabinet de la ministre des Relations Couronne-Autochtone­s et des Affaires du Nord, Carolyn Bennett, on rappelle que l’ENFFADA est autonome.

« Le mandat de cette commission indépendan­te est clair, et les familles doivent être au coeur de ses travaux. Les familles des victimes ont besoin de réponses au sujet des failles systémique­s et institutio­nnelles qui ont mené au meurtre de trop nombreuses femmes autochtone­s », indique-t-on.

Quant à la prolongati­on, la ministre évalue toujours la demande déposée par les membres de la commission. La décision devrait être rendue d’ici la fin du mois d’avril. L’ENFFADA doit terminer ses travaux le 31 décembre 2017. Une extension lui permettrai­t de poursuivre jusqu’en 2020.

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PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE La présidente de FAQ, Viviane Michel, qui a assisté à plusieurs audiences, se dit préoccupée par la qualité de la preuve qui sera amassée par la commission.

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