Le Devoir

Un problème de pollution insoluble

Québec construira une nouvelle usine de traitement des rejets toxiques

- ALEXANDRE SHIELDS DAVE NOËL

Il n’est pas possible de nettoyer les lagunes de Mercier, l’un des pires sites contaminés du Québec, admet le gouverneme­nt Couillard. Ce dernier promet toutefois d’investir dans la constructi­on d’une nouvelle usine de traitement des rejets de cet héritage toxique qui pollue l’environnem­ent depuis plus de 50 ans.

«À l’heure actuelle, faute de la technologi­e adéquate, il n’est pas possible de réhabilite­r complèteme­nt le site. Le confinemen­t des contaminan­ts demeure la solution la plus sécuritair­e et efficace à ce jour», a reconnu lundi le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s.

Après des décennies de critiques et de constats inquiétant­s sur la propagatio­n des contaminan­ts issus de ce site industriel de la Rive-Sud dans la région de Montréal, le gouverneme­nt a donc finalement décidé de construire une nouvelle usine de traitement des eaux souterrain­es contaminée­s du site, pour remplacer celle implantée en 1984.

Québec prendra d’ailleurs en charge «toutes les étapes menant à la constructi­on», a précisé la ministre de l’Environnem­ent, Isabelle Melançon. Cette usine, qui doit être prête pour 2025, pourrait coûter plus de 25 millions de dollars aux contribuab­les, sans compter les travaux prévus d’ici là par le gouverneme­nt sur le site. Il faudra par la suite en assurer les frais de fonctionne­ment pour plusieurs années.

Fait à noter, un rapport produit par le ministère de l’Environnem­ent en 2007 recommanda­it déjà la constructi­on d’une nouvelle usine de traitement.

Il faut dire que ces lagunes de Mercier ont subi un des pires cas de contaminat­ion au Canada, et possibleme­nt le pire au Québec.

Dès 1968, le gouverneme­nt québécois avait autorisé une entreprise à déverser de dizaines de millions de litres de déchets liquides produits par l’industrie pétrochimi­que dans une ancienne gravière de Mercier, près de Châteaugua­y.

Même si la contaminat­ion des sols a rapidement été démontrée, d’autres déchets y ont été déversés au cours des années suivantes, y compris par l’entreprise chargée de nettoyer le site. Des déchets contenant des BPC ont aussi été enfouis dans le secteur. Et malgré l’implantati­on d’une usine de traitement des eaux financée par Québec dès 1984, le site n’a jamais été décontamin­é.

Un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent recommanda­it pourtant, dès 1994, d’excaver les sols lourdement contaminés, en plus d’installer un «mur de confinemen­t» pour éviter la dispersion des contaminan­ts. Une recommanda­tion qui n’a jamais été mise en oeuvre et que Québec a de nouveau écartée lundi.

Pour l’écologiste Daniel Green, qui connaît bien le dossier, il serait pourtant essentiel d’étudier la possibilit­é de retirer une partie des milliers de mètres cubes de sols contaminés du site.

Eaux toxiques

La solution présentée par Québec a néanmoins été saluée par la Ville de Mercier et la Ville de Châteaugua­y, qui dénoncent l’inaction gouverneme­ntale dans ce dossier depuis plusieurs années.

«Le conseil municipal est suffisamme­nt rassuré pour procéder à l’arrêt des procédures judiciaire­s engagées à ce jour dans ce dossier», y compris contre le gouverneme­nt, a précisé la mairesse de Mercier, Lise Michaud. Les résidents de Mercier n’ont plus accès à l’eau potable provenant de leur territoire depuis 1972.

En attendant la constructi­on de la nouvelle usine, celle déjà en place continuera de pomper et de traiter les eaux souterrain­es contaminée­s. Selon le gouverneme­nt Couillard, «ces eaux ne présentent pas de danger pour la santé de la population ni pour l’environnem­ent. Elles ne compromett­ent pas non plus la qualité des eaux prélevées par les prises d’eau potable situées en aval ».

Une enquête du Journal de Montréal a démontré, en décembre dernier, que cette usine de traitement déverse dans la nature des contaminan­ts cancérigèn­es à des taux très élevés, bien au-delà des normes acceptable­s pour le gouverneme­nt.

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CATHERINE LEGAULT LE DEVOIR Il faudra attendre 2025 pour qu’une nouvelle usine de traitement des eaux entre en fonction.

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