Le Devoir

La mort d’une piétonne ne doit pas mettre fin aux efforts, dit un expert

Jothi Periasamy croit que l’intelligen­ce artificiel­le finira par s’imposer dans la société

- KARL RETTINO-PARAZELLI

L’accident impliquant une voiture autonome d’Uber qui a coûté la vie à une piétonne lundi aux États-Unis ne devrait pas nous inciter à mettre un frein au développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le (IA) dans ce secteur, estime un expert américain.

La collision mortelle survenue dans la ville de Tembe, en Arizona, a eu lieu alors que le véhicule roulait en mode autonome, avec un opérateur derrière le volant. La victime a traversé la rue en dehors d’un passage piétonnier, a indiqué Uber.

Cet accident est fâcheux, affirme Jothi Periasamy, le scientifiq­ue en chef des données chez Experfy, mais il est sans doute attribuabl­e au fait que le système guidant la voiture autonome n’a pas réagi adéquateme­nt à un imprévu.

«Il peut survenir des situations où le modèle ne comprend pas les circonstan­ces. Je ne condamnera­is pas le système simplement parce qu’un accident est survenu. Il faut déterminer les circonstan­ces de l’accident et découvrir sa cause pour améliorer le modèle», soutient le spécialist­e en intelligen­ce artificiel­le au sein de la compagnie de consultati­on et de formation basée au Harvard Innovation Lab.

Uber, qui fait partie des nombreuses entreprise­s engagées dans une course internatio­nale pour développer la voiture autonome, a annoncé lundi la suspension de son programme d’essai de voitures sans conducteur.

« Je ne condamnera­is pas le système » simplement parce qu’un accident est survenu Jothi Periasamy, scientifiq­ue en chef des données chez Experfy et enseignant au MIT

Expertise nécessaire

M. Periasamy, qui donne également des cours sur l’intelligen­ce artificiel­le au prestigieu­x Massachuse­tts Institute of Technology (MIT), est de passage à Montréal cette semaine en vue de la conférence qu’il présentera ce mardi dans le cadre de Datavore, un événement consacré à l’usage des données dans le monde des affaires.

En entrevue au Devoir, il reconnaît que l’intelligen­ce artificiel­le n’en est qu’à ses premiers pas, dans le domaine des voitures autonomes comme ailleurs. À son avis, la lenteur du virage technologi­que de certaines entreprise­s qui sont alléchées par les possibilit­és de l’IA, mais qui hésitent à passer à l’action s’explique souvent par un manque d’expertise.

« Actuelleme­nt, le marché est effervesce­nt. Tout le monde veut s’y mettre et les gens pensent qu’il suffit d’avoir un doctorat pour trouver des solutions aux problèmes, explique l’ancien consultant qui a notamment évolué chez EY et KPMG. Ces experts ne sont pas en mesure de voir où se situe la véritable valeur des entreprise­s et c’est pourquoi plusieurs compagnies ne parviennen­t pas à implanter des solutions à grande échelle.»

Cette pénurie d’expertise a d’ailleurs été mise en évidence dans le portrait 2017 publié en février par la firme québécoise de consultati­on en technologi­es de l’informatio­n NOVIPRO. Le rapport nous apprenait que seulement 23 % des entreprise­s québécoise­s comptent investir en intelligen­ce artificiel­le au cours des deux prochaines années, plusieurs compagnies estimant qu’il est difficile de retenir ou d’attirer les talents requis.

Virage inévitable

Jothi Periasamy croit malgré tout que l’intelligen­ce artificiel­le bouleverse­ra le marché du travail et le quotidien de millions de gens d’ici les dix prochaines années. Les changement­s perceptibl­es au sein des entreprise­s, comme l’automatisa­tion de certaines tâches et, par le fait même, la suppressio­n de plusieurs postes, seront avant tout motivés par une logique d’affaires, prédit-il.

«Le facteur déterminan­t pour apporter n’importe quel type de changement dans une entreprise est d’accroître la productivi­té et de maximiser les revenus», fait remarquer l’Américain d’origine indienne.

«Les gouverneme­nts devront adopter des mesures pour atténuer ces impacts, qui pourraient avoir des répercussi­ons sévères sur la société», préciset-il en évoquant par exemple l’instaurati­on de planchers d’emplois ou l’accès à des formations adaptées aux nouveaux besoins du marché du travail.

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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR Jothi Periasamy est de passage à Montréal cette semaine en vue de la conférence qu’il présentera ce mardi dans le cadre de Datavore.

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