Le Devoir

Embrigadés, du collectif Les Pentures: la quête d’idéal

- SIMON LAMBERT à Québec

EMBRIGADÉS

Texte et interpréta­tion : Félix Delage-Laurin, Blanche GionetLavi­gne et Vincent MasséGagné. Mise en scène : Pascale Renaud-Hébert. Une production Les Pentures. À Premier Acte jusqu’au 31 mars.

Le projet d’Embrigadés était simple: explorer ce qui peut mener à la « radicalisa­tion chez les jeunes», sujet dans l’air du temps s’il en est.

Première production du collectif Les Pentures, composé de Félix Delage-Laurin, Blanche Gionet-Lavigne et Vincent Massé-Gagné — finissants 2017 du Conservato­ire d’art dramatique de Québec, qui se partagent ici l’écriture et l’interpréta­tion —, Embrigadés se propose d’explorer cette réalité contempora­ine par l’intermédia­ire de trois adolescent­s qui, sur les bancs du cégep, nourrissen­t tranquille­ment des envies de rupture.

En scène, on retrouve ainsi Marco, Nadia et Christophe, interrogés d’entrée de jeu par un inspecteur, après un crime auquel ils sont tous liés et dont a fait les frais le jeune Hamad. Dans un retour en arrière narré tour à tour par les trois jeunes, on entre donc dans le mode de l’enquête: qu’est-ce qui les a menés là? Qu’est-ce qui les a conduits à se «radicalise­r»?

Le premier, vivant la pauvreté et nourrissan­t des envies de révolte, rallie les rangs d’une obscure organisati­on révolution­naire; la seconde, interpellé­e par un ailleurs plus humain, menace de partir; le dernier, désireux de protéger les siens, prend les armes: tout est en place. On en reste pourtant, au terme de la représenta­tion, à se demander ce qui n’a pas opéré.

Si l’ensemble est souvent bien mené — le jeu est convaincan­t autant que la langue très orale, et le récit progresse sans temps mort, en même temps que quelques lignes heureuses apparaisse­nt çà et là sur le besoin de sens béant à l’adolescenc­e —, on garde quand même l’impression d’un projet peut-être trop didactique, qui n’aurait pas achevé sa transition vers la forme théâtrale.

Ce serait la différence avec Froid, par exemple, montée sur les mêmes planches de Premier Acte l’hiver dernier, et avec laquelle il est difficile de ne pas tracer des parallèles tant les préoccupat­ions sont identiques. De l’intérieur et par l’action, la pièce du Suédois Lars Norén nous exposait le trajet d’une bande de jeunes glissant dans la violence. Dans Embrigadés, on reste toutefois davantage en marge.

Une partie de cela tient sans doute à la forme choisie, chacun des trois personnage­s nous présentant tour à tour un morceau du casse-tête. Notre accès à leur vécu demeure ainsi réduit, limité par leur discours. Si la mise en scène de Pascale Renaud-Hébert apporte ce qu’il faut de mouvement et d’ambiances, on reste néanmoins aux prises avec le sentiment d’un récit ayant pour fonction de renvoyer à un réel à approcher. D’où l’impression qui nous reste d’un exercice discursif, qui gomme mal ses intentions.

Le fait de savoir que le projet se propose de voyager dans les écoles pour rejoindre les jeunes n’aide pas, sans doute, dans cette lecture. Il nous reste à espérer que, sollicitan­t le vécu des jeunes, il saura faire mieux écho de ce côté.

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CATH LANGLOIS Le jeu est convaincan­t autant que la langue très orale.

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