Le Devoir

Commerce : les États-Unis et la Chine « montrent leurs muscles »

- ANTONIO RODRIGUEZ à Buenos Aires

Les États-Unis et la Chine, dont les différends commerciau­x font craindre une guerre commercial­e, ont «montré leurs muscles» dès l’ouverture lundi du G20 de Buenos Aires, où ils cherchent à imposer leurs positions dans le communiqué final de la réunion.

Le rendez-vous de Buenos Aires, premier de la présidence argentine du G20, intervient quatre jours seulement avant l’entrée en vigueur, vendredi, des droits de douane américains de 25% sur les importatio­ns d’acier et de 10% sur celles d’aluminium, à l’exception du Canada et du Mexique.

Comme à chaque rencontre du G20 depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche il y a un peu plus d’un an, la rédaction du communiqué de la rencontre de Buenos Aires donne aussi lieu à une lutte acharnée entre les deux principale­s économies mondiales. «Le communiqué devrait reconnaîtr­e qu’il y a des tensions commercial­es», ont expliqué à l’AFP des sources proches des négociatio­ns.

«Le texte ne cherchera pas à cacher ces tensions, mais il devrait toutefois souligner qu’une solution collective demeure la meilleure option», ont-elles ajouté, précisant que «la Chine et les États-Unis montrent chacun leurs muscles pendant la négociatio­n du texte final du communiqué», qui sera diffusé mardi à la fin de la rencontre.

Si les mesures américaine­s visent essentiell­ement la Chine, dont les surcapacit­és de production d’acier sont décriées depuis des années par ses partenaire­s, les alliés européens de Washington se retrouvent également dans la ligne de mire de M. Trump, qui s’en prend régulièrem­ent aux excédents commerciau­x allemands. Au cours des derniers jours, les Européens ont tenu à réaffirmer leur unité face aux États-Unis et les gestions diplomatiq­ues se multiplien­t pour éviter que les taxes sur l’acier débouchent sur un affronteme­nt commercial. «Diviser l’Europe ne peut être dans l’intérêt du gouverneme­nt américain, et il n’y parviendra pas», a déclaré le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, au quotidien économique allemand Handelsbla­tt, avant de se rendre à Washington pour y rencontrer ses homologues américains.

Le ministre argentin de l’Économie, Nicolas Dujovne, a saisi l’occasion pour demander au secrétaire d’État au Trésor, Steve Mnuchin, une exemption pour l’acier et l’aluminium de son pays.

Autre sujet de tension entre les États-Unis et l’Europe: la taxation des géants du numérique, ou GAFA. Cet acronyme désigne les quatre mastodonte­s américains du secteur (Google, Amazon, Facebook, Apple), dont les pratiques d’optimisati­on fiscale sont régulièrem­ent montrées du doigt.

Avant la réunion de Buenos Aires, les membres du G20 ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur la manière de les imposer ni à long terme ni à court terme, ouvrant la voie à des mesures unilatéral­es en attendant que la communauté internatio­nale se mette d’accord sur un accord global.

L’élaboratio­n du communiqué reflète ces difficulté­s. Les pays du G20 devraient y exprimer «la volonté de travailler ensemble pour trouver une solution d’ici 2020 », ont indiqué les sources à l’AFP. La question est de savoir s’ils vont mentionner «leurs points de vue divergents» dans le texte, ont-elles ajouté. La Commission européenne doit présenter ses propres mesures dès mercredi à Bruxelles dans la foulée du G20 Finances de Buenos Aires.

Dans une lettre adressée à M. Mnuchin, le commissair­e européen Pierre Moscovici a tenté de calmer le jeu en assurant que son projet n’était pas «une taxe GAFA».

Interrogé par l’AFP, M. Moscovici, qui s’exprimera mardi devant les ministres des Finances du G20, a nié qu’il s’agisse de représaill­es après les mesures de Donald Trump sur l’acier. «Ces propositio­ns ne sont ni une réponse à une demande française ni une riposte contre les États-Unis», a-t-il assuré.

Il n’empêche que M. Mnuchin a lancé un avertissem­ent dès vendredi. «Les États-Unis s’opposent fermement aux propositio­ns de quelque pays que ce soit de cibler les compagnies numériques », a-t-il prévenu.

Dans ce contexte tendu, les ministres des grandes puissances éviteront une fois de plus de condamner le «protection­nisme», mot banni des déclaratio­ns du G20 depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche il y a un peu plus d’un an.

Il devrait être remplacé par une pudique critique des « inward looking policies », c’est-àdire «des politiques tournées vers l’intérieur ».

Les alliés européens de Washington se retrouvent également dans la ligne de mire de Trump

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