Le Devoir

Le Mercosur reste la meilleure chance du Canada auprès des puissances émergentes

Le premier cycle de négociatio­ns se tiendra à Ottawa cette semaine

- ÉRIC DESROSIERS

Les négociatio­ns commercial­es entreprise­s par le Canada avec le Mercosur (Marché commun du Sud) seront probableme­nt longues et leurs retombées se feront attendre, mais elles restent sa meilleure chance, pour le moment, de conclure une entente de libre-échange avec l’une des principale­s puissances économique­s émergentes.

Le premier cycle de ces nouvelles négociatio­ns se tiendra cette semaine à Ottawa. Le Canada y voit l’occasion de conclure une entente de libreéchan­ge avec le quatrième plus grand bloc commercial du monde, composé du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay qui comptent ensemble

260 millions d’habitants et un produit intérieur brut de 3200 milliards de dollars canadiens. Un bloc avec lequel le Canada n’échangeait l’an dernier qu’un maigre 9 milliards de dollars en biens et ser vices.

«Ne retenez pas votre souffle», prévient le professeur de sciences politiques de l’Université de Montréal et spécialist­e de l’Amérique du Sud Philippe Faucher. Il a fallu presque 15 ans d’approches et de discussion­s au Canada et au Mercosur avant de convenir de lancer officielle­ment leurs négociatio­ns.

Et elles n’arrivent probableme­nt toujours pas très haut dans les priorités du géant économique dans cette histoire, le Brésil, estime l’expert, mais ça ne fait rien. «Le projet a malgré tout son intérêt de part et d’autre.

Il s’agit principale­ment de convenir de règles communes pour se protéger contre les soubresaut­s de la conjonctur­e dans une région souvent marquée par l’instabilit­é.

Pour le moment, l’activité économique est au ralenti [dans les pays du Mercosur], mais lorsque la croissance reviendra, le Canada sera heureux d’être considéré comme un partenaire.»

Au Canada, on espère entre autres gagner un meilleur accès dans l’automobile, les produits chimiques, l’aluminium, la machine et les produits pharmaceut­iques.

On voudrait se tailler une meilleure place aussi dans le domaine des services, notamment dans l’énergie, les industries extractive­s, les infrastruc­tures et l’environnem­ent. Comme pour toutes les nouvelles négociatio­ns commercial­es, on promet également de donner un côté «progressis­te» au projet en y intégrant des dispositio­ns en matière de droits des travailleu­rs, de protection de l’environnem­ent, de promotion de l’égalité hommefemme et de droits des autochtone­s.

Le Venezuela s’est joint au Mercosur en 2012. Il en a toutefois été suspendu en août dernier par les quatre autres membres qui ont reproché au gouverneme­nt de Nicolas Maduro ses violations à la démocratie et son non-respect de certaines clauses de l’accord.

Pour les pays du Mercosur, ce serait entre autres l’occasion de diversifie­r leurs échanges. Pendant longtemps, les échanges commerciau­x du Brésil étaient pour un tiers avec l’Europe, un tiers avec les États-Unis et un tiers avec le reste du monde, explique Philippe Faucher.

«Aujourd’hui, la Chine représente, à elle seule, environ 40% et a profondéme­nt perturbé le commerce des matières premières et des produits agricoles. »

Fortes variations de l’inflation

L’idée d’un bloc commercial du Mercosur peut être trompeuse, avertit l’expert. «Les échanges commerciau­x progressen­t moins entre les pays du bloc qu’entre chaque pays et le reste du monde», souligne-t-il.

Les difficulté­s de cette intégratio­n tiennent entre autres aux fortes variations de l’inflation entre les voisins, ce qui complique leurs échanges.

Le Canada y voit l’occasion de conclure une entente de libre-échange avec le 4e plus grand bloc commercial du monde

Les éventuels investisse­urs canadiens devront se rappeler qu’ils ont affaire à des pays en développem­ent aux «économies qui n’ont pas été très performant­es depuis de nombreuses années», où l’on préfère généraleme­nt inciter les

entreprise­s à venir s’installer sur place plutôt que d’importer leurs production­s et où l’État occupe une place importante dans l’économie.

Mais si le Canada cherche à diversifie­r ses échanges commerciau­x, et qu’il veut particuliè­rement profiter de la formidable croissance à laquelle semblent promises les nouvelles puissances économique­s émergentes, le Brésil et le Mercosur restent probableme­nt sa meilleure chance, dit Philippe Faucher.

La dernière visite en Chine du premier ministre canadien, Justin Trudeau, ne s’est pas très bien passé cet automne. Celle du mois dernier en Inde, on n’en parle même pas. Quant à la Russie, on repassera.

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