Le Devoir

Diego El Cigala, une voix indestruct­ible

- LISA-MARIE GERVAIS

Àl’autre bout du fil, on l’imagine sur une véranda en plein soleil à Punta Cana, dans sa République dominicain­e d’adoption. On croit presque entendre les cliquetis de ses bijoux qu’il a l’habitude de porter aux poignets et au cou, et qui lui donnent ses allures de gentil corsaire. « C’est un hommage à la salsa, aux grands qui ont fait vivre cette musique », lance le chanteur de flamenco Diego El Cigala à propos de son dernier projet musical, qu’il fait découvrir dans une tournée qui s’arrête à Montréal ce vendredi.

Malgré tout — le bruit ambiant, la conversati­on un brin chaotique et le son caverneux s’échappant du téléphone cellulaire —, sa voix de stentor, à la fois suave et lyrique, résonne avec une clarté saisissant­e. C’est cette voix «d’une douceur qui coule sur tout», comme le disait le grand guitariste Paco de Lucía, qu’il met aujourd’hui au service de son nouvel album, Indestruct­ible, aux côtés de son complice, le pianiste Jaime Calabuch, et de l’orchestre colombien La Cali Big Band. Cette voix qu’il a forgée dans le flamenco des rues de son enfance madrilène

«Ça prend un bon disque de flamenco avec de la bonne guitare, [...] ça manque en ce moment Diego El Cigala

et qui atteint aujourd’hui sa pleine maturité alors qu’il s’apprête à souffler ses 50 bougies. «Je sens une certaine tranquilli­té. Le demi-siècle, c’est magnifique», se réjouit-il.

En 2004, Lágrimas negras, album réalisé en duo avec Bebo Valdés et lauréat d’un Latin Grammy, mariait le chant flamenco à la musique cubaine. Quinze ans plus tard, Indestruct­ible, son nouvel album célébré par la critique et en lice en 2017 pour le Grammy du meilleur album latin tropical, retrace le fil des origines afro-cubaines de la salsa et de ses riches mélodies jazzifiées, macérées dans la soul et le R & B. De la Colombie à New York, en passant par Cuba et Porto Rico, l’album de reprises constitue un hommage aux légendes du genre, tels Héctor Lavoe, Cheo Feliciano et Ray Barretto.

Mais Indestruct­ible est aussi devenu, par la force des choses, un hommage à sa défunte bien-aimée, Amparo Fernández, avec qui il a partagé plus de 25 ans de sa vie et qui fut emportée par un cancer en 2015. «Cet album a toute l’importance du monde pour moi parce que je l’ai fait avec elle », dit-il en prenant une pause pour exhaler la fumée de sa cigarette dans le combiné. «Elle a toujours cru en moi. C’était une personne qui savait ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas mieux que moi. »

Le flamenco jamais loin

Et comme toujours, le flamenco n’est jamais bien loin dans les projets de ce cantaor autodidact­e dont les racines espagnoles et gitanes transcende­nt chacun de ses projets. « [Dans Indestruct­ible], la salsa et le flamenco sont des rythmes qui se rejoignent dans la joie. Je me sens dans les deux comme un poisson dans l’eau», dit l’homme qui décrit lui-même son art comme de la «musique de l’âme». Il en fut de même pour l’album flamenco Picasso en mis ojos (2006), en collaborat­ion avec le guitariste Tomatito, et trois de ses albums subséquent­s, Dos lágrimas (2008), Cigala & Tango (2011) et Romance de la Luna Tucumana (2013) qui, tout en faisant la part belle aux tangos et autres genres latins, n’ont cessé d’irradier le flamenco.

«L’importance du flamenco dans ce que je fais? Tout. C’est tout ce que je fais et tout ce que je vois. Je viens de ce mondelà», répond-il fièrement. Diego El Cigala dit d’ailleurs être en train de travailler sur un autre album de flamenco, continuant sa collaborat­ion avec Diego del Morao, fils du grand guitariste flamenco Moraíto Chico. L’idée serait notamment de récupérer et de retravaill­er des pistes de Paco de Lucía et du grand chanteur espagnol Camarón de la Isla. « Ça prend un bon disque de flamenco avec de la bonne guitare, parce que ça manque en ce moment. »

Alors que le chanteur s’enquérait du temps qu’il ferait à Montréal, l’appel a subitement été coupé. Mais la voix de Diego El Cigala a continué de résonner, comme elle promet de le faire ce vendredi à la Maison symphoniqu­e de Montréal. Indestruct­ible.

 ?? PEDRO PARDO AGENCE FRANCE-PRESSE ?? «L’importance du flamenco dans ce que je fais? Tout. C’est tout ce que je fais et tout ce que je vois. Je viens de ce monde-là», explique l’artiste qui sera de passage à Montréal ce vendredi à la Maison symphoniqu­e.
PEDRO PARDO AGENCE FRANCE-PRESSE «L’importance du flamenco dans ce que je fais? Tout. C’est tout ce que je fais et tout ce que je vois. Je viens de ce monde-là», explique l’artiste qui sera de passage à Montréal ce vendredi à la Maison symphoniqu­e.

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