Le Devoir

France L’ancien président Nicolas Sarkozy est inculpé

M. Sarkozy a été mis en examen mercredi pour « corruption passive », « financemen­t illégal de campagne électorale » et « recel de fonds publics libyens »

- GREGORY DANEL SOPHIE DEVILLER à Paris

L’ancien président français Nicolas Sarkozy a été inculpé mercredi soir dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financemen­t libyen de sa campagne électorale pour la présidenti­elle de 2007, a-t-on appris de source judiciaire.

M. Sarkozy, qui nie les faits qui lui sont reprochés, a été inculpé pour «corruption passive», «financemen­t illégal de campagne électorale» et «recel de fonds publics libyens» et placé sous contrôle judiciaire, a précisé cette source.

La garde à vue de l’ancien président, qui avait débuté mardi, s’est terminée mercredi en fin d’après-midi. Elle a duré en tout 26 heures.

L’ex-président était arrivé peu avant 8h00, heure locale, à l’office anticorrup­tion à Nanterre, près de Paris, selon des sources proches du dossier. Mardi, son audition entamée dans la matinée avait été interrompu­e vers minuit.

Également entendu, mais sous le statut de «suspect libre», Brice Hortefeux, un proche de l’ex-président qui occupa plusieurs postes ministérie­ls pendant son quinquenna­t (2007-2012), avait été entendu mardi à l’office anticorrup­tion.

«M. Hortefeux a de nouveau assuré qu’il n’y avait pas eu de financemen­t en provenance de la Libye ou de quelque pays étranger. En répondant aux nombreuses questions qui lui ont été posées, il a démenti les erreurs et rumeurs qui ont couru sur cette affaire», a déclaré à l’AFP son avocat, Jean-Yves Dupeux.

Cette nouvelle étape dans un dossier instruit par des magistrats du pôle financier depuis près de cinq ans, marque un «retour aux affaires» de Nicolas Sarkozy, mais à la rubrique judiciaire, a titré le quotidien Libération mercredi. Son confrère Le Parisien a parlé du «“cadeau” posthume de [Mouammar] Kadhafi ».

Depuis la publicatio­n, en mai 2012, par le site d’informatio­ns Mediapart d’un document libyen — attribué à l’ex-chef des renseignem­ents Moussa Koussa — accréditan­t un financemen­t d’environ 50 millions d’euros, pour permettre notamment à la Libye de sortir de son isolement diplomatiq­ue, les investigat­ions des juges ont considérab­lement avancé.

Plusieurs protagonis­tes du dossier, dont plusieurs ex-responsabl­es libyens, ont accrédité la thèse de versements illicites. Le sulfureux homme d’affaires Ziad Takieddine a lui-même assuré avoir remis entre fin 2006 et début 2007 trois valises contenant 5 millions d’euros venant du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet, Claude Guéant.

L’ancien chef de l’État a toujours rejeté ces accusation­s.

Rebondisse­ment dans l’enquête

L’enquête avait été élargie en janvier à des soupçons de «financemen­t illégal de campagne électorale ».

Cet élargissem­ent faisait suite à un rapport de l’office anticorrup­tion, daté de septembre, qui évoque une circulatio­n importante d’espèces dans l’entourage du candidat du parti UMP durant la campagne pour la présidenti­elle de 2007. «Tout le monde venait chercher son enveloppe», a relaté une ex-salariée, selon ce rapport dont l’AFP a eu connaissan­ce, doutant qu’une distributi­on aussi massive ait pu se faire

sans que Nicolas Sarkozy ait été au courant.

Les investigat­ions ont aussi mis en lumière un virement de 500 000euros perçu par Claude Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. L’ex-secrétaire général de l’Élysée a toujours affirmé qu’il s’agissait du fruit de la vente de deux tableaux, sans convaincre les juges qui l’ont mis en examen notamment pour «blanchimen­t de fraude fiscale en bande organisée ».

Les juges s’interrogen­t également sur la vente suspecte en 2009 d’une villa à Mougins (dans le sud-est de la France) à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien argentier de Kadhafi. Ils soupçonnen­t l’homme d’affaires Alexandre Djouhri d’avoir été derrière plusieurs prête-noms le véritable propriétai­re du bien et de l’avoir cédé pour 10 millions d’euros, soit plus du double de sa valeur marchande. Une transactio­n qui aurait pu être effectuée pour dissimuler d’éventuels versements occultes.

L’enquête a connu un rebondisse­ment important en janvier avec l’arrestatio­n à Londres d’Alexandre Djouhri, qui devrait être fixé sur son éventuelle extraditio­n en juillet.

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JOEL SAGET AGENCE FRANCE-PRESSE Nicolas Sarkozy

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