Le Devoir

« Confinées à des lieux pénibles »

La protectric­e du citoyen déplore les conditions de détention, surtout pour les femmes

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

La situation ne s’améliore pas dans les prisons, indique Marie Rinfret, la protectric­e du citoyen.

L’organisme qu’elle préside vient de sonner l’alarme une nouvelle fois par la publicatio­n d’un rapport qui montre les conséquenc­es néfastes qu’a l’augmentati­on des peines discontinu­es, les peines dites de fin de semaine.

Déjà surpeuplée­s, les prisons ne sont pas en mesure d’offrir des conditions de détention respectabl­es à ces prisonnier­s occasionne­ls.

Ces conditions inadéquate­s ont pour conséquenc­e d’aggraver celles des prisonnier­s traditionn­els. Dix-sept recommanda­tions sont formulées, notamment en ce qui a trait à l’espace minimum décent qui doit être consenti à chaque prisonnier. La protectric­e demande aussi à ce qu’on interdise l’usage de cellule de réclusion pour ce type de peine et qu’on libère au profit de tous l’usage des gymnases, des parloirs et d’autres espaces communs.

Chaînes aux pieds

Voici le cas de six femmes qui se retrouvent pour une fin de semaine dans une cellule d’attente conçue pour quatre personnes. Il n’y a pas de lit, mais seulement un banc de métal.

Parmi elles, une femme enceinte de six mois et une septuagéna­ire.

« On ne respecte » pas la dignité des personnes Marie Rinfret, protectric­e du citoyen

Pas de toilettes. Pas d’eau. C’est la saison froide. Le chauffage manque. Ces femmes ne peuvent compter que sur des manteaux pour se protéger du froid.

« Ce sont des conditions déplorable­s, vécues de façon plus criante par les femmes. En région, elles se retrouvent confinées à des lieux pénibles. […] On ne respecte pas la dignité des personnes», observe Marie Rinfret en entrevue au Devoir.

Une mauvaise connaissan­ce de l’espace disponible entraîne des situations dégradante­s.

Ainsi, un condamné à une peine de fin de semaine qui se présente de lui-même est d’abord fouillé à nu. Puis, il arrive qu’on constate qu’il n’y aura pas d’espace pour lui. Menottes aux poignets, chaînes aux pieds, il est transféré dans un autre centre de détention. Là, nouvelle fouille à nu. Le manège peut recommence­r une nouvelle fois, toujours faute de coordinati­on.

La situation est pire pour les femmes hors de Montréal et de Québec. «Les femmes se retrouvent dans des prisons pour hommes. Et comme on ne peut les mélanger, elles passent systématiq­uement après les hommes. Les hommes occupent les dortoirs et les gymnases tandis qu’elles sont placées dans des cellules d’attente ou au parloir.» Elles n’ont souvent pas accès à l’eau courante, à des toilettes ou à des lits.

La protectric­e du citoyen observe de surcroît que ces personnes, faute de personnel, ne sont pas informées de leurs droits. Plusieurs pourraient demander, au sixième de leur peine, de poursuivre celle-ci dans la communauté plutôt qu’en prison.

Explosion

Depuis 2010-2011, le nombre de peines discontinu­es a explosé. «La situation n’est pas étrangère aux changement­s dans le Code criminel.» Avec pour résultat une amplificat­ion d’un problème déjà criant de surpopulat­ion dans les prisons.

Les conséquenc­es néfastes sont considérab­les. Plus d’accès au gymnase, au parloir, augmentati­on des tensions. La peine des uns augmente en quelque sorte la peine des autres. «C’est une escalade qui crée plus de tensions, plus de violences. »

Il faut repenser la nécessité de l’incarcérat­ion, plaide la protectric­e du citoyen, comme l’ont déjà fait l’Alberta, l’Ontario et le Manitoba. De surcroît, « le ministère de la Sécurité publique doit offrir des conditions équitables pour tous. Ce doit être la même chose partout. Le ministère doit normaliser sa politique. »

Est-ce que le rapport de la protectric­e du citoyen s’attarde aux conditions de détention dans le Nord québécois?

«Par la bande oui. Les Premières Nations et les Inuits n’ont pas accès à des peines discontinu­es, parce qu’ils sont trop loin. Ils purgent donc des peines en continu. »

Ces peines pourraient être vécues bien différemme­nt au sein de la communauté.

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