Le Devoir

Les traduction­s-poubelles : plus ça change…

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Périodique­ment, la presse fait état de traduction­s ineptes émanant des institutio­ns fédérales. Le dernier article en date : «Le français malmené sur les sites Web du gouverneme­nt fédéral», Le Devoir, 19 mars 2018.

Ces pseudo-traduction­s que l’on dénonce à juste titre ne sont pas de simples « coquilles », ce sont des insultes à l’intelligen­ce et, curieuseme­nt, ce sont presque toujours les francophon­es qui en font les frais.

Le Comité permanent des langues officielle­s, présidé par Denis Paradis, a pourtant produit un excellent rapport en juin 2016 lorsqu’il a procédé à l’examen du Bureau de la traduction. Ses recommanda­tions étaient de nature à corriger la situation, ou tout au moins un pas dans la bonne direction.

La première de ses recommanda­tions visait à donner «à une autorité fédérale existante le mandat de s’assurer de la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielle­s». Cette autorité devait veiller «à coordonner l’applicatio­n et le respect des dispositio­ns de la Loi sur les langues officielle­s par les institutio­ns fédérales». Quelle suite a été donnée à cette recommanda­tion sensée ?

Plusieurs témoins entendus à ce Comité, dont le soussigné, avaient effectivem­ent proposé que la coordinati­on et la supervisio­n de la traduction dans l’ensemble de la fonction publique fédérale relèvent du Bureau de la traduction, l’organisme le plus compétent et le mieux placé pour assurer cette coordinati­on.

Il avait aussi été proposé que l’évolution de ce Bureau ne soit pas tributaire uniquement de considérat­ions d’ordre financier (entendre: que la traduction coûte le moins cher possible).

La qualité des traduction­s et l’égalité des langues officielle­s ont un prix.

Les machines ne remplacero­nt jamais les traducteur­s, même si elles peuvent accroître la productivi­té de ceux qui savent les utiliser et en connaissen­t les limites.

La compétence des traducteur­s profession­nels du Bureau de la traduction n’est plus à démontrer. Je suis triste que leur réputation soit entachée par des traduction­s Google dont ils ne sont pas les auteurs.

La traduction ne saurait être confiée à des fonctionna­ires non formés en traduction qui croient naïvement aux vertus miraculeus­es de Google Translate. Faut-il rappeler que la «langue-machine» n’est pas une langue officielle au Canada? La traduction profession­nelle, qui s’enseigne à l’université, a des exigences beaucoup plus élevées.

Les francophon­es au pays n’acceptent pas et n’accepteron­t jamais que leur langue soit ravalée au rang de charabia technologi­que pour des raisons d’économie. Les personnes en autorité doivent en prendre bonne note.

Jean Delisle, professeur retraité de traduction à l’Université d’Ottawa Le 19 mars 2018

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