Le Devoir

Sarkozy dénonce « une calomnie » à la suite de sa mise en examen

- BAPTISTE PACE SOPHIE DEVILLER à Paris

L’ancien président français Nicolas Sarkozy a dénoncé jeudi soir «une calomnie» après son inculpatio­n dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financemen­t libyen de sa campagne électorale victorieus­e de 2007.

«Je dois aux Français la vérité: je n’ai jamais trahi leur confiance», a déclaré l’ex-chef de l’État au journal de 20 heures sur la chaîne de télévision TF1, de très grande écoute, en faisant part de «la profondeur de [son] indignatio­n ».

Nicolas Sarkozy, qui nie les faits qui lui sont reprochés, a été inculpé mercredi soir de «corruption passive», de «financemen­t illégal de campagne électorale» et de «recel de fonds publics libyens ».

« Il n’y a que la haine, la boue, la médiocrité, la calomnie», a répondu à la télévision M. Sarkozy, costume noir et chemise blanche, le visage fermé.

«Je suis accusé par des proches d’un dictateur» dont «nous avons détruit le régime de terreur» en 2011, a dit M. Sarkozy, pour qui «il n’y a pas le plus petit élément, il n’y a pas le moindre élément d’une preuve» contre lui dans ce dossier.

Absence de preuves

Interrogé sur les conditions de sa garde à vue à Nanterre, près de Paris, mardi et mercredi, il assure qu’«aucun élément nouveau n’a été produit » contre lui sur une remise d’argent par l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi — tué en 2011 par les rebelles libyens —, dont M. Sarkozy fut l’un des artisans de la chute.

«Je n’avais [jusqu’alors] connaissan­ce d’aucun élément puisque je n’avais pas accès au dossier», a expliqué M. Sarkozy en assurant avoir répondu aux questions des enquêteurs « sans être jamais à un moment en difficulté».

«Aucune preuve matérielle» n’a été fournie, a répété M. Sarkozy, récusant une nouvelle fois les accusation­s d’une «bande de mafieux» et en particulie­r de l’intermédia­ire franco-libanais Ziad Takieddine et du site Internet d’informatio­n Mediapart.

Ce dernier avait publié entre les deux tours de la présidenti­elle de 2012 un document libyen accréditan­t un financemen­t d’environ 50 millions d’euros, dont M. Sarkozy et ses soutiens ont constammen­t affirmé qu’il s’agissait d’un faux.

M. Sarkozy a estimé que, à travers sa personne, c’était «la France, la fonction [présidenti­elle] qui est en cause». «Je pourfendra­i cette bande et ferai triompher mon honneur», a-t-il promis.

Selon sa déclaratio­n aux magistrats reproduite jeudi sur le site Internet du journal Le Figaro, l’ancien chef d’État a essayé, pendant sa garde à vue, «de montrer que les indices graves et concordant­s qui sont la condition de la mise en examen [inculpatio­n] n’existaient pas compte tenu de la fragilité du document ayant fait l’objet d’une enquête judiciaire et compte tenu des caractéris­tiques hautement suspectes et du passé lourdement chargé de M. Takieddine ».

Une situation inédite

M. Sarkozy a également été placé sous contrôle judiciaire, ce qui est inédit pour un ancien président français. Il lui est ainsi interdit de se rendre en Libye, en Égypte, en Tunisie et en Afrique du Sud, ainsi que de rencontrer neuf protagonis­tes de cette affaire, dont deux très proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, a-ton appris jeudi de source proche du dossier.

« Mis en examen ne vaut pas culpabilit­é», a réagi de son côté mercredi Laurent Wauquiez, ancien ministre et successeur de Nicolas Sarkozy à la présidence du parti Les Républicai­ns (droite).

Selon le journal Le Monde, plusieurs anciens dignitaire­s du régime Kadhafi auraient livré de récents témoignage­s confirmant les soupçons de financemen­t illicite.

Ziad Takieddine a lui-même assuré avoir remis entre fin 2006 et début 2007 trois valises contenant 5 millions d’euros venant du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet, Claude Guéant.

D’autres dignitaire­s libyens ont démenti tout financemen­t de la Libye de Mouammar Kadhafi, que M. Sarkozy avait reçu en grande pompe à l’Élysée en 2007.

Autre élément qui pourrait être compromett­ant pour Nicolas Sarkozy, un rapport de l’office anticorrup­tion, daté de septembre, qui pointe une circulatio­n importante d’espèces dans son entourage durant la campagne 2007.

Les investigat­ions ont aussi mis en lumière plusieurs opérations suspectes, notamment un virement de 500 000euros (environ 800 000$) perçu par Claude Guéant en mars 2008.

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TF1 AGENCE FRANCE-PRESSE «Je dois aux Français la vérité: je n’ai jamais trahi leur confiance», a déclaré l’ex-chef de l’État au journal de 20 heures sur la chaîne de télévision TF1.

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