Zone de risque
Le débat sur l’organisation des transports collectifs dans la région de Montréal prend une étrange direction avec l’apparition de projets à saveur électoraliste, le dernier en lice étant le «grand déblocage» du Parti québécois (PQ). Jean-François Lisée a frappé un grand coup trop tard avec ce «grand déblocage», un assemblage de 21 projets de trains de banlieue, d’autobus et de tramways que le chef péquiste substituera au Réseau express métropolitain (REM) s’il est élu.
Première erreur. En opposant le REM au «grand déblocage», M. Lisée a suscité un débat secondaire qui occulte les mérites de son propre projet. Le surplace métropolitain en matière d’investissements lourds en transport collectif exige de multiplier les projets durables au lieu de mettre les initiatives en concurrence les unes avec les autres pour marquer des points auprès des électeurs.
Pourquoi M. Lisée a-t-il attendu si longtemps pour condamner le REM, alors que les travaux sont à la veille de commencer? A-t-il pensé aux conséquences d’une annulation si tardive des contrats? La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le promoteur du REM, a évalué les pénalités à un milliard de dollars.
Même si le REM est imparfait, puisqu’il ne contribuera pas à l’accroissement du transport en commun dans la région de Montréal, le projet est trop avancé pour reculer. Le REM sera bénéfique, entre autres pour desservir l’aéroport Montréal-Trudeau. Ce réseau pourrait même cohabiter avec le projet du PQ, à condition d’en modifier la substance.
Deuxième erreur. M. Lisée voit trop grand lorsqu’il suggère d’amener le train en gare jusqu’à Joliette, Saint-Hyacinthe et d’autres banlieues lointaines. Encore faudrait-il que le CN et le CP acceptent de partager et d’élargir leur emprise ferroviaire, ce qui est loin d’être gagné. Voilà donc, pour le PQ, une belle façon d’amadouer les électeurs du 450, mais il y a un risque que son projet contribue à l’étalement urbain (comme celui du REM, d’ailleurs).
Un recentrage est de mise. Les investissements en transport en commun ne doivent pas être planifiés au gré des humeurs politiques du moment. Une ligne rose pour Projet Montréal, un « grand déblocage » pour le PQ, un troisième lien pour la CAQ…
L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) assumera-t-elle enfin le rôle qui lui a été confié? Il est plus urgent que jamais de dépolitiser et de planifier l’organisation des transports collectifs en fonction d’objectifs clairs: la mobilité, l’augmentation du transfert modal de l’automobile vers les transports collectifs, l’amélioration du bilan environnemental et la densification du territoire. Pour le moment, l’ARTM négocie pour confier au REM des zones de monopole sur les services existants. Ce détournement de sa mission augure bien mal pour l’avenir.