Le Devoir

Inconduite sexuelle au féminin

Quatre Québécoise­s sur dix auraient déjà essayé de contraindr­e un homme à avoir des relations sexuelles

- JESSICA NADEAU

Un peu plus de 40 % des femmes québécoise­s auraient déjà essayé de contraindr­e un homme à avoir des relations sexuelles contre son gré, dévoile une des premières études à se pencher sur la coercition sexuelle au féminin.

«C’est un pourcentag­e très élevé, ça nous a surpris, mais ça s’explique sans doute par le fait que nos questions étaient très, très larges», répond l’auteure de l’étude, Geneviève Parent, professeur­e au Départemen­t de psychoéduc­ation et de psychologi­e à l’Université du Québec en Outaouais.

Ainsi, les 41 % incluent toute une gamme de tactiques qui auraient été utilisées par les femmes «au moins une fois dans leur vie», que ce soit en relation de couple ou non, et que la tentative se soit soldée par une relation sexuelle ou non.

«Dans les 41%, on inclut celle qui, à l’âge de 17 ans, a essayé une fois de bouder pour avoir des préliminai­res et celle qui a intoxiqué ses partenaire­s à de multiples reprises pour avoir des relations sexuelles complètes, il y a donc des nuances à apporter», précise la chercheuse en entrevue au Devoir.

Ses chiffres sont un peu plus élevés que les quelques rares autres études qui se sont penchées sur le phénomène de la violence sexuelle au féminin. Selon elle, la moyenne des études se situe plutôt entre 15 et 30%. «C’est extrêmemen­t variable d’une étude à l’autre, ça dépend toujours de la façon dont les questions sont posées», explique la chercheuse.

Séduction et manipulati­on

Geneviève Parent a sondé près de 300 femmes, recrutées en milieu universita­ire. Parmi celles qui ont avoué avoir déjà tenté de forcer un homme à avoir un contact sexuel, le tiers affirmait avoir utilisé des stratégies de séduction insistante, continuant de toucher ou de caresser la personne malgré son refus.

La manipulati­on est également une arme de coercition très utilisée par les femmes, selon cette étude. Elles peuvent bouder, mais également s’en prendre aux compétence­s sexuelles de l’homme. «Ça va souvent avec des commentair­es du genre: “on le sait bien, tu ne veux pas qu’on ait de sexe parce que ceci ou cela”», ajoute Mme Parent.

Dans une moindre proportion, des femmes ont tenté d’intoxiquer des hommes ou ont profité de leur intoxicati­on pour avoir des relations sexuelles. Enfin, aucune femme n’a rapporté avoir utilisé la violence physique pour parvenir à ses fins.

« Les femmes vont avoir tendance à utiliser des méthodes considérée­s comme plus subtiles», constate la chercheuse, qui s’étonne toujours de voir comment certains gestes — par exemple, une main sur la cuisse d’une personne non consentant­e — ne suscitent pas la même indignatio­n lorsqu’ils sont commis par une femme.

L’étude de Geneviève Parent visait à reproduire celle d’une chercheuse américaine, mais elle s’est heurtée aux limites du modèle américain pour tenter d’expliquer le phénomène.

La chercheuse avance donc des hypothèses avec prudence. Elle trace deux grandes trajectoir­es pour expliquer la coercition au féminin, en lien avec un « script sexuel selon lequel l’homme ne peut refuser des relations sexuelles, car il est attendu qu’il soit un perpétuel demandeur de celles-ci ».

Elle évoque une approche impersonne­lle et sans émotion de la sexualité (elle voit l’agression sexuelle comme une façon d’avoir une relation sexuelle en se souciant peu de l’émotion des autres) et un problème de régulation émotionnel­le : face à un refus, la femme vit des «tourments émotionnel­s (honte, culpabilit­é, colère) provoqués par «l’incongruen­ce avec son script sexuel».

« Il faut voir ça comme un premier pas, car on en est encore aux balbutieme­nts pour essayer de bien comprendre le phénomène et on en a encore pour plusieurs années avant d’en arriver à des conclusion­s qui soient solides », conclut Geneviève Parent.

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