Le Devoir

Les avocats échouent à faire arrêter les procédures

Le juge André Perreault rejette la requête pour délais déraisonna­bles de Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté

- MARIE-MICHÈLE SIOUI à Québec

Les avocats de Marc-Yvan Côté et de Nathalie Normandeau ont perdu une première manche, lundi, dans leur tentative de faire avorter le procès pour fraude et abus de confiance des deux ex-ministres libéraux et de leurs quatre coaccusés.

Le juge André Perreault, de la Cour du Québec, a rejeté la requête en arrêt des procédures pour délais déraisonna­bles — en vertu de l’arrêt Jordan — qu’avait présentée la défense au mois de décembre.

La «complexité particuliè­re de l’affaire» justifie la durée des procédures, même si celle-ci dépasse le seuil de 18 mois fixé par l’arrêt Jordan de la Cour suprême pour les cours provincial­es, a conclu le magistrat.

Selon ses calculs, il s’écoulera 27 mois et 6 jours entre le dépôt des accusation­s, le 16 mars 2016, et la conclusion du procès, qui a été fixé provisoire­ment au 22 juin 2018. De cette durée, il faut soustraire 49 jours de retards « attribuabl­es aux indisponib­ilités de la défense» pour arriver à un «délai net» de 25 mois et 19 jours.

«Le Tribunal conclut que la complexité particuliè­re de l’affaire explique la durée du dépassemen­t en cause, que le délai est justifié et qu’il n’est pas déraisonna­ble», a statué le juge, dans une décision qui ne pourra être contestée qu’une fois le procès terminé.

Le procès implique six coaccusés, concerne 14 chefs d’accusation relatifs à des gestes qui auraient été posés sur une période de 13 ans et requiert la présence à la barre de 50 civils et de 54 policiers, a souligné le magistrat. Il s’est par ailleurs dit apte à siéger jusqu’au 30 août, advenant que le calendrier de onze semaines prévu pour le procès se révèle insuffisan­t.

Une deuxième requête

La tenue du procès, qui doit s’ouvrir le 9 avril, n’est cependant toujours pas assurée.

Les avocats de Marc-Yvan Côté, Nathalie Normandeau et consorts ont déposé une seconde requête en arrêt des procédures, qui concerne des reportages journalist­iques ayant éclaboussé leurs clients. Dans celle-ci, ils allèguent qu’«un système de fuites orchestrée­s minutieuse­ment pour déstabilis­er le gouverneme­nt et le Parti libéral» nuit aux droits des six coaccusés d’avoir un procès juste et équitable — et commande donc l’annulation du procès.

C’est dans le cadre de cette requête que s’est invitée une chasse aux fuites médiatique­s. Selon la défense, il est capital de connaître la source à l’origine de deux épisodes de l’émission Enquête afin de déterminer si les fuites relèvent d’une stratégie de l’État.

La journalist­e d’Enquête Marie-Maude Denis s’oppose faroucheme­nt à la divulgatio­n de ses sources, vu le caractère fondamenta­l de la protection de l’identité d’informateu­rs dans le travail journalist­ique.

Le juge Perreault s’est dans un premier temps rangé aux arguments de la journalist­e, mais sa décision a été infirmée la semaine dernière par un juge de la Cour supérieure. L’affaire a une fois de plus été portée en appel, et pourrait bien cheminer jusqu’à la Cour suprême.

La défense a voulu faire valoir, lundi, le caractère exécutoire de la décision de la Cour supérieure.

«L’interrogat­oire de Mme Denis doit avoir lieu avant le procès et le plus rapidement possible», a déclaré l’avocat de Marc-Yvan Côté, Jacques Larochelle. Il a aussi tenté de faire repousser la date d’ouverture du procès, afin que soit préalablem­ent réglée cette question.

Le juge Perreault ne s’est rangé à ni l’un ni l’autre de ses arguments. «Nous nous reverrons le 9 avril », a-t-il déclaré, avant de quitter la salle d’audience.

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