Le Devoir

Hébergemen­t d’urgence : deux poids, deux mesures ?

- FLORENCE PORTES Directrice des services aux femmes, Pavillon Patricia Mackenzie MARCÈLE LAMARCHE Directrice générale, Le Chaînon

C’est avec un immense regret que nous tenons à informer le grand public que la récente décision du gouverneme­nt québécois ne permettra pas d’atteindre une équité de financemen­t pour les deux plus importante­s ressources pour femmes en situation d’itinérance et en difficulté au Québec, c’est-à-dire toutes les femmes qui fréquenten­t les services du Chaînon et du Pavillon Patricia Mackenzie.

Des 10 millions de dollars annoncés par Québec en novembre dernier, nos deux ressources recevront quelques miettes chacune, soient 30 000 $ non récurrents.

Malgré de multiples démarches pour démontrer la légitimité de nos services essentiels, nos demandes sont restées lettres mortes, condamnant Le Chaînon et le Pavillon Patricia Mackenzie, qui offrent à elles deux 131 places d’hébergemen­t pour les femmes les plus vulnérable­s, à faire l’objet d’un traitement parfaiteme­nt discrimina­toire et injuste.

Le gouverneme­nt du Québec a reconnu en 2009 la nécessité de financer à hauteur de 50% les services d’urgence destinés aux hommes en situation d’itinérance. Il n’a pas jugé nécessaire d’accorder le même respect pour les services offerts aux femmes. Conséquemm­ent, le financemen­t public couvre en moyenne 9% des coûts de services du Pavillon Patricia Mackenzie et du Chaînon qui, chaque jour, viennent en aide aux femmes les plus vulnérable­s de notre communauté.

Dans le Montréal de 2018, qui pour la première fois vient de porter une femme à la tête de la métropole, il est scandaleux qu’un service de santé et de service social soit financé différemme­nt selon que ses usagers sont des hommes ou des femmes.

L’injustice liée à la différence de traitement ne se limite pas uniquement au genre de la clientèle. À Montréal, certaines ressources qui, comme nous, offrent des services pour les femmes en difficulté reçoivent un financemen­t d’environ 100$ par place, par jour, tandis que Le Chaînon et le Pavillon Patricia Mackenzie reçoivent à peine 7 $ par personne par jour pour des ser vices équivalent­s.

Collaborat­ion et unité

Malgré ces différence­s de traitement injustifia­bles, nous refusons catégoriqu­ement de nous positionne­r comme des concurrent­es. La nature de notre mission et de nos services sur le terrain exige des organismes qui viennent en aide aux femmes les plus fragiles une collaborat­ion indéfectib­le et une unité sans faille.

Ne sommes-nous pas en droit d’oeuvrer dans une société qui se soucie de toutes ses citoyennes et qui se donne de vrais moyens pour en finir avec l’itinérance chronique ?

On reconnaît le rôle de premier plan que jouent le Pavillon Patricia Mackenzie et Le Chaînon. On est venu nous visiter à maintes reprises, on a salué le travail accompli et souligné la qualité des services. Malheureus­ement, ces poignées de main fermes et ces larges sourires qui témoignaie­nt d’un engagement et d’un soutien imminents ne se sont pas traduits en soutien financier équitable et récurrent.

Soyez rassurés. Nous serons là ce printemps et nous ferons tout ce qui est en notre possible pour accueillir celles qui vivent le piège infernal de la grande pauvreté, car, comme elles, nous savons que l’itinérance n’est pas un problème climatique, mais bien un déni de justice sociale.

La Journée internatio­nale des droits des femmes, le 8 mars, est passée. Nous reprenons notre bâton de pèlerin, déterminée­s plus que jamais à porter la cause des femmes aussi loin et aussi fort qu’il sera nécessaire.

Nous continuero­ns à soutenir toutes nos travailleu­ses et nos bénévoles qui, chaque jour, tendent la main aux femmes en situation d’itinérance. En leur nom, nous continuero­ns de remercier très sincèremen­t nos concitoyen­s et concitoyen­nes qui, par leurs dons et leurs contributi­ons, assurent notre survie et participen­t à améliorer le quotidien des femmes que nous côtoyons.

Nous serons redevables envers les fondations et les entreprise­s privées qui investisse­nt dans nos services afin de venir en aide à ces femmes et de mettre fin à l’itinérance.

En définitive, ce sont eux tous qui portent, avec nous, le fardeau de la lutte contre l’itinérance.

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