Culture L’exposition Particules d’existence au Centre Phi
Particules d’existence propose de repousser les frontières de l’espace, intérieur comme extérieur
Dans la pièce, les visiteurs ont le visage caché par de grosses lunettes. Les uns sont en train de grimper jusqu’à la cime des arbres, les autres volent au-dessus d’une pièce fermée, d’autres encore font le guet, au bord de la frontière américaine, pour suivre les immigrants qui tentent de passer des États-Unis vers le Canada de façon irrégulière.
Nous sommes au Centre Phi, où est présentée l’exposition Particules d’existence, qui réunit une série d’expériences immersives de pointe qui font exploser les dimensions.
La pièce Chalkroom, de l’artiste multidisciplinaire Laurie Anderson et de Hsin-Chien Huang, y est présentée en première canadienne. Le visiteur pénètre dans une pièce entièrement couverte d’inscriptions à la craie. En activant un bouton de commande, il pourra s’envoler, lentement ou rapidement, assister à une danse, s’entourer d’un nuage, faire ses propres dessins à la craie, etc.
On en sort étourdi, chamboulé, mais avec la satisfaction d’avoir réalisé un vieux rêve, celui de s’envoler sur commande, au-dessus des choses.
C’est plutôt sur le territoire social que s’est bâti le projet Roxham, du photographe Michel Huneault. Ce dernier a photographié plus d’une centaine de migrants qui tentaient d’entrer au Canada, en provenance des États-Unis, par le chemin Roxham. Le photographe a protégé l’identité de ces migrants irréguliers en les masquant avec des morceaux de tissu. Mais le dénuement, la détresse et le courage de ces migrants, devant une police qui les traque et qui les arrête, traversent l’oeuvre. On s’inquiète du sort d’une femme, arrêtée par la police américaine. Où est-elle aujourd’hui? On se rassure, un instant, en apprenant que tel policier s’est enquis du bien-être d’une femme enceinte, et que les échanges deviennent moins agressifs une fois les migrants arrivés en territoire canadien.
Tout à côté, The Sun Ladies, une installation créée par Christian Stephen et Céline Tricart, se lance sur les traces d’une combattante kurde qui lutte contre le groupe État islamique (EI) en Irak. Auparavant chanteuse de musique traditionnelle, Xate Shingali a pris les armes contre le groupe EI pour se venger. En 2014, des guerriers djihadistes ont en effet attaqué la communauté Yazidi de Sinjar, tué les hommes, pris les femmes et les enfants en les réduisant à l’esclavage sexuel. L’honneur et la dignité, avance-t-elle, sont une arme sûre et implacable.
Deux pièces plongent quant à elles dans l’univers de la nature. Il y a un paradoxe évident à s’armer d’un casque et d’un ordinateur, dans une pièce fermée, pour vivre l’expérience d’une forêt. C’est pourtant ce que proposent In the Eyes of the Animal et Treehugger : Wawona, du studio britannique Marshmallow Laser Feast. On se prend à rêver d’une authentique balade en forêt.
Ceux qui s’intéressent au film Isle of Dogs (L’île aux chiens), de Wes Andersen, qui sort en salle ces jours-ci, raffoleront de l’installation Isle of Dogs: Behind the Scenes, signé Felix & Paul Studios.
C’est à la fin du tournage de L’île aux chiens que Felix & Paul ont réalisé cette installation qui présente les différents personnages de chiens du film. En se retournant sur 180 degrés, toujours muni des fameuses lunettes, on découvre le studio de montage du film, avec le réalisateur Wes Andersen, qui procède à l’animation de chacun des chiens miniatures. On découvre alors que c’est Andersen lui-même qui a animé de son visage chacun des chiens, avant d’y greffer différentes voix enregistrées.
«C’est une sorte de faux making-of », dit Paul Raphael, l’une des deux têtes des studios Felix & Paul. Une mise en bouche efficace pour le film à venir. PARTICULES D’EXISTENCE Au Centre Phi jusqu’au 12 août