Le Devoir

Théâtre Songe d’une nuit d’été: qu’il est difficile de s’aimer

- CHLOÉ GAGNÉ DION Collaborat­rice

LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ

D’après William Shakespear­e. Adaptation: Steve Gagnon et Frédéric Bélanger. Mise en scène : Frédéric Bélanger. Présenté en coproducti­on avec le Théâtre advienne que pourra. Au théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 18 avril.

Le songe d’une nuit d’été de la pièce la plus érotique du grand Will, au dire de Jan Kott, l’auteur du célébré essai Shakespear­e, notre contempora­in. C’est d’ailleurs ce que l’adaptation de Steve Gagnon et Frédéric Bélanger s’attelle à rendre. En transposan­t l’univers féerique de la comédie dans une cité du cinéma, la pièce ne fait pas que donner un peu d’éclat et de brillance à l’histoire. Elle met surtout joyeusemen­t en avant son côté lubrique.

La forêt où les amants se confondent et où les couples se font et se défont est alors faite de lampadaire­s. La scénograph­ie (Francis FarleyLemi­eux) place sur la scène du théâtre DenisePell­etier une sorte d’Hollywood annoncée par l’énorme inscriptio­n lumineuse DREAM, et par des vidéos (Alexis Laurence) évoquant l’allure luxueuse des publicités de parfum. Le tout raffiné par d’élégantes conception­s de costumes (Sarah Balleux) et de lumières (Julie Basse).

En plus de changer l’univers et d’évacuer les personnage­s de Thésée et d’Hippolyte, l’adaptation de la pièce ne culmine pas par les mariages rétablissa­nt l’anachroniq­ue équilibre de la société racontée par Shakespear­e. En ne faisant qu’apaiser les fièvres, le spectacle fait simplement et joliment apparaître, grâce à quelques moments mélancoliq­ues, les drames de l’amour, la fatigue des corps s’abandonnan­t aux passions dévorantes, l’épuisement provoqué par des désirs non réciproqué­s et les troubles d’une jeunesse sensuelle.

La mise en scène célèbre surtout l’art des interprète­s. Les partitions très joueuses et plutôt physiques des acteurs flirtent avec un cabotinage parfois appuyé, mais efficace. La distributi­on paraît toutefois dominée par un impeccable Dany Boudreault interpréta­nt le petit diable, Puck. En plus d’une festive dose de malice, son interpréta­tion semble concentrer toutes les facettes des autres personnage­s: l’excentrici­té des trois ouvreurs (désopilant­s Adrien Bletton, Olivia Palacci et Jean-Philippe Perras), la retenue majestueus­e du couple royal (graves Maude Guérin et Étienne Pilon) et l’ivresse concupisce­nte des jeunes amoureux (intenses Gabrielle Côté, Steve Gagnon, Karine Gonthier-Hyndman et Hubert Lemire).

La joyeuse équipe donne vie aux pulsions des protagonis­tes dans un vif spectacle, qui aurait probableme­nt été encore plus vivifiant s’il avait osé être plus vivant; encore plus décoiffant s’il avait été un brin décoiffé. Droite dans son inventive représenta­tion de fiévreuses personnali­tés errant dans une nuit folle, la pièce aurait possibleme­nt bénéficié de quelques débordemen­ts baroques moins polis que l’irrévérenc­ieux certes déjà présent, mais somme toute lissé. Elle aurait eu l’occasion de poursuivre sa lancée et de devenir bien plus que franchemen­t charmante.

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 ?? GUNTHER GAMPER ?? La mise en scène célèbre surtout l’art des interprète­s. Les partitions très joueuses et plutôt physiques des acteurs flirtent avec un cabotinage parfois appuyé, mais efficace.
GUNTHER GAMPER La mise en scène célèbre surtout l’art des interprète­s. Les partitions très joueuses et plutôt physiques des acteurs flirtent avec un cabotinage parfois appuyé, mais efficace.

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