Le Devoir

Une guerre entre Washington et Pékin aurait un impact négatif

Une récession mondiale n’est pas hors de question, estime l’économiste réputé Robert Shiller

- FRANÇOIS DESJARDINS GUERRE

Même si le détail des sanctions n’est pas encore connu, les mesures prises contre la Chine par le gouverneme­nt Trump soulèvent des questions sur les conséquenc­es d’une guerre commercial­e, l’hypothèse privilégia­nt au minimum une détériorat­ion significat­ive des échanges mondiaux. L’effet pourrait, a estimé ce week-end l’économiste Robert Shiller, lauréat d’un prix Nobel en 2013, plomber la confiance et mener directemen­t à une récession.

«Lorsqu’on s’interroge sur la taille de l’impact sur l’économie, je pense qu’une bonne partie est psychologi­que plutôt que directe, sauf s’ils y vont fort sur les tarifs», a dit M. Shiller, qui a prédit la bulle technologi­que de la fin des années 1990 et la bulle immobilièr­e des années 2000, lors d’une entrevue à la chaîne américaine CNBC.

Les tarifs imposés lors de la Grande Dépression n’ont pas «plausiblem­ent et directemen­t» influé sur la croissance «de manière importante», mais ils ont «détruit la confiance», a dit M. Shiller, professeur à Yale. « Ce sont précisémen­t ces attitudes attentiste­s qui causent une récession. »

Le président américain a annoncé la semaine dernière le lancement de sanctions pouvant atteindre 60 milliards de dollars américains sur les importatio­ns de produits chinois. Selon Donald Trump, la Chine est coupable de vol de propriété intellectu­elle et d’«agression économique » à l’égard des États-Unis.

L’activité économique mondiale a augmenté de 3,7% en 2017 et devrait s’accroître de 3,9% cette année et l’an prochain, estime le Fonds monétaire internatio­nal. La Chine se classe au deuxième rang des grandes économies, derrière les États-Unis, mais loin devant le Japon et l’Allemagne.

Les États-Unis et la Chine se sont échangé 635 milliards en biens au cours de 2017, selon les données officielle­s. Les exportatio­ns américaine­s ont atteint 130 milliards, comparativ­ement à 505 milliards en importatio­ns. Depuis le tournant des années 2000, le déficit commercial s’est considérab­lement élargi. En 1999, il n’était que de 68 milliards.

«Aucun pays ne sortirait gagnant d’un ralentisse­ment de l’économie et de nouvelles incertitud­es pour les marchés financiers»

De son côté, la Chine a indiqué la semaine dernière qu’elle a d’ores et déjà choisi les produits américains qui feront l’objet de sanctions si jamais le gouverneme­nt des États-Unis met bel et bien en oeuvre les tarifs douaniers. Ces tarifs toucheraie­nt des produits totalisant trois milliards.

«Il est clair que le déclenchem­ent d’une guerre commercial­e n’est pas le bon remède et n’amènera pas une économie plus forte ou plus saine, au contraire», a estimé Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins.

«Une diminution du commerce mondial provoquera surtout un ralentisse­ment de l’économie et de nouvelles incertitud­es pour les marchés financiers.

Ni les États-Unis, ni la Chine, ni aucun autre pays n’en sortirait gagnant. »

Selon une analyse de l’agence Bloomberg évoquée par M. Généreux, une guerre commercial­e tous azimuts pourrait retrancher 0,5% au produit intérieur brut mondial en 2020, une bombe de 470 milliards représenta­nt essentiell­ement l’économie de la Thaïlande.

Alors que l’impact serait de 0,9% aux ÉtatsUnis et de 0,5% en Chine, il pourrait se chiffrer à 1,8% au Canada.

La planète n’a connu que quatre récessions mondiales, la dernière remontant à 2009. Les autres ont eu lieu en 1975, 1982 et 1991.

Malgré le discours belliqueux, le gouverneme­nt américain discute actuelleme­nt avec la Chine derrière des portes closes afin de trouver un terrain d’entente, a indiqué dimanche le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, à Fox News.

Une guerre commercial­e tous azimuts pourrait retrancher 0,5% au produit intérieur brut mondial en 2020

Newspapers in French

Newspapers from Canada