Le Devoir

Les géants de Wall Street commencent à craindre les armes

- GÉRARD BÉRUBÉ

Le « dépôt de bilan » du fabricant d’armes américain Remington vient illustrer un malaise récent de Wall Street. Les tueries à répétition dans les écoles interpelle­nt les grands investisse­urs institutio­nnels, qui commencent à exprimer leur poids d’actionnair­es.

On l’a vu avec l’énergie fossile. La crainte de se retrouver avec des éléments d’actif échoués dans leur portefeuil­le a poussé nombre de grands institutio­nnels dans un rôle peu habituel d’actionnair­es activistes qui s’étend, encore timidement aujourd’hui, aux armuriers et aux distribute­urs d’armes. Pour une, Remington a souffert de la frilosité de Wall Street.

Le fabricant américain d’armes vieux de 200 ans est passé de la parole au geste. Remington avait manifesté son intention de se restructur­er sous la protection des tribunaux en février, deux jours avant la fusillade dans une école secondaire de Parkland, en Floride, tuant 17 personnes.

Il a été rappelé le week-end dernier que Remington avait également été la cible de poursuites judiciaire­s par des familles de victimes de la fusillade de l’école Sandy Hook au cours de laquelle 20 jeunes enfants et six adultes ont été tués en 2012.

Remington croyait, le mois dernier, qu’elle pouvait poursuivre ses activités sous le régime du «chapitre 11» de la loi sur les faillites aux États-Unis.

Or, ses créanciers devront absorber le choc, Remington n’ayant pu trouver le financemen­t intérimair­e requis en appui à son processus de restructur­ation.

Selon la banque d’affaires, «Lazard a approché une trentaine d’investisse­urs potentiels pour financer» Remington «mais la vaste majorité de ceux que nous avons contactés a indiqué qu’ils étaient réticents à financer un fabricant d’armes».

Un désaveu

Ce désaveu n’est que le dernier d’une série de manifestat­ions témoignant d’un fossé grandissan­t isolant les armuriers et les détaillant­s d’armes aux États-Unis.

Le géant des fonds d’investisse­ment BlackRock milite depuis peu aux côtés d’organisati­ons exhortant les fabricants à une plus grande responsabi­lisation et exigeant d’eux une reddition de compte sur leurs actions posées visant à endiguer la violence par les armes.

Le gestionnai­re veut également concevoir de nouveaux fonds d’investisse­ments indiciels dont les portefeuil­les excluraien­t les armuriers et leurs distribute­urs.

De son côté, le plus important régime de retraite des États-Unis, Calpers, ne se délestera pas de ses investisse­ments dans les fabricants d’armes, mais s’est engagé à exercer sa voix d’actionnair­e pour sensibilis­er et influencer les dirigeants.

Les moins de 21 ans

Il n’en demeure pas moins que, pour l’heure, ces gestes s’inscrivent plutôt en réaction au débat actuel sur le contrôle des armes à feu que la tuerie de Parkland suscite, retiennent les analystes.

L’une des plus grandes banques du pays, Citigroup, entend imposer à ses clients concernés de ne pas vendre d’armes à feu aux moins de 21 ans et à des individus dont les antécédent­s n’ont pas été vérifiés.

Parmi les grands détaillant­s, les groupes Kroger, Dick’s et L.L. Bean ne vendront plus d’armes au moins de 21 ans.

Pour sa part, Walmart ajoute qu’elle ne vendra plus d’armes militaires, une décision se voulant toutefois purement économique étant donné les ventes déclinante­s dans ce segment.

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