Le Devoir

Le sort suspendu de Carles Puigdemont

Le leader indépendan­tiste restera derrière les barreaux en Allemagne jusqu’à ce que la justice se prononce sur son extraditio­n vers l’Espagne

- SEBASTIAN BRONST à Neumunster

Le leader indépendan­tiste catalan, Carles Puigdemont, va rester en détention en Allemagne le temps que la justice se prononce sur une éventuelle remise à l’Espagne qui l’accuse de «rébellion», a annoncé le tribunal lundi.

M. Puigdemont va « rester en détention dans un premier temps, jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant une procédure d’extraditio­n», a indiqué le tribunal régional de Kiel, dans la région du nord de l’Allemagne où il avait été arrêté dimanche. Il n’y a aucun recours possible contre cette décision, a-t-il aussi précisé.

L’arrestatio­n surprise de M. Puigdemont avait entraîné des heurts entre des militants indépendan­tistes catalans et la police dimanche à Barcelone. Aucun débordemen­t n’a été signalé lundi. Selon les services de secours, 90 personnes ont été blessées légèrement à Barcelone, dont 22 policiers.

Lundi, il a comparu devant un tribunal de Neumünster, ville dans laquelle il est également maintenu en garde à vue. Il s’agissait de formelleme­nt établir son identité et de décider s’il restait ou non en prison.

Désormais, il revient au tribunal de Kiel de trancher sur son éventuelle extraditio­n, selon le communiqué.

Plus tôt dans la journée, l’avocat de l’indépendan­tiste Jaume Alonso-Cuevillas s’était dit «prudent», à l’antenne de la radio catalane Rac1, tout en évoquant «beaucoup d’éléments qui incitent à l’optimisme».

Sur le fond, la justice allemande dispose d’un délai de 60 jours pour trancher sur la remise de Carles Puigdemont à Madrid. Une porte-parole des autorités allemandes, Wiebke Hoffelner, s’est bornée à dire que la décision ne serait «pas prise cette semaine ».

La justice devra décider si des infraction­s similaires à celles pour lesquelles Puigdemont est poursuivi en Espagne existent en droit allemand.

Il est accusé, avec douze autres responsabl­es indépendan­tistes, de «rébellion», un crime passible de 30 ans de prison, ainsi que de détourneme­nts de fonds publics. En cause: la tentative ratée de sécession par référendum de l’automne 2017.

La confiance règne

Steffen Seibert, porte-parole de la chancelièr­e allemande, Angela Merkel, a qualifié l’Espagne d’«État de droit démocratiq­ue» et relevé qu’il régnait «une confiance toute particuliè­re entre les autorités judiciaire­s des pays membres de l’UE». Il a aussi rappelé que selon Madrid, M. Puigdemont et les autres indépendan­tistes ne sont pas poursuivis pour des «idées politiques, des idées d’indépendan­ce, mais en raison d’infraction­s bien concrètes ».

Le gouverneme­nt espagnol est quand à lui resté en retrait, se contentant de qualifier de «bonne nouvelle» l’arrestatio­n de l’indépendan­tiste.

Les poursuites pour «rébellion» restent cependant controvers­ées, car elles supposent « un soulèvemen­t violent » qui, selon des juristes, ne s’est jamais produit.

Carles Puigdemont a été interpellé par les policiers du Land de Schleswig-Holstein alors qu’il venait du Danemark voisin en voiture pour rejoindre la Belgique, où l’exprésiden­t catalan s’était réfugié après l’échec de la sécession l’automne dernier. Le ministère allemand de l’Intérieur n’était pas en mesure de dire si les renseignem­ents espagnols étaient impliqués et suivaient l’homme politique catalan.

La Catalogne est donc plongée dans l’impasse politique, les indépendan­tistes ont pourtant conservé la majorité absolue au Parlement catalan après les élections du 21 décembre.

S’ils n’arrivent pas à faire élire un président avant le 22 mai, de nouvelles élections seront convoquées automatiqu­ement. Et tant qu’elle n’aura pas de président et de gouverneme­nt, la Catalogne restera sous la tutelle de Madrid, imposée après la déclaratio­n d’indépendan­ce.

La justice allemande dispose d’un délai maximal de 60 jours pour trancher sur la remise de Carles Puigdemont à Madrid

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LLUIS GENE AFP Des milliers de manifestan­ts indépendan­tistes ont battu le pavé à Barcelone, dimanche.

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