Une politique culturelle d’un demi-milliard
Québec ouvre les vannes pour un secteur longtemps négligé
Habitué aux budgets serrés, le secteur culturel a eu droit mardi à des investissements inédits. Québec consacrera ainsi plus d’un demi-milliard à l’implantation de sa nouvelle politique culturelle, tout en bonifiant de 11% le budget du ministère.
Dans la foulée, les médias auront leur part… alors que les géants du Web devront faire la leur à compter du 1er janvier 2019 en collectant la TVQ sur les services intangibles (voir encadrés).
Si plusieurs voix du milieu craignaient que le projet de nouvelle politique culturelle n’ait pas les moyens de ses ambitions, le contraire semble plutôt se profiler. «Dans tous les sens, c’est un budget historique pour la culture», a soutenu la ministre de la Culture, Marie Montpetit. « Les 539 millions [sur cinq ans] réservés pour la politique culturelle permettent d’asseoir le cadre financier et d’assurer des mesures concrètes», croit-elle.
Le plan d’action précis de la politique culturelle sera dévoilé dans les prochaines semaines. Mais le budget de mardi établit déjà les quatre grands axes:
Rapprocher la culture des jeunes : 113 millions. Québec consacrera 35 millions à l’augmentation des sorties culturelles pour les élèves. Un autre montant de 35 millions sera accordé à différentes institutions pour « renforcer leur action auprès des jeunes». Les musées McCord (11 millions) et des beaux-arts de Montréal (10 millions), les orchestres symphoniques de Montréal (7,5 millions) et de Québec (3 millions) de même que l’Orchestre Métropolitain (2,5 millions) se partagent l’essentiel de l’enveloppe.
Favoriser la création: 168,9 millions. L’aide à la création passera par une augmentation totale de 100 millions (sur cinq ans) des budgets du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et de la Société des entreprises culturelles du Québec (SODEC). L’argent est destiné aux budgets de soutien à la création, à la production et à la diffusion. À noter que la banque d’affaires de la SODEC — qui finance des prêts à des entreprises culturelles — recevra 30 millions supplémentaires en capital mis à sa disposition.
Un nouveau crédit d’impôt pour le doublage de films coûtera par ailleurs trois millions. Autrement, quelque 42 millions sont réservés à des projets de développement d’infrastructures culturelles — notamment pour le Musée d’art contemporain de Montréal et le Musée national des beauxarts du Québec.
Appuyer la culture dans toutes les régions: 110,7 millions. Québec va bonifier de 35 millions le Fonds du patrimoine culturel québécois, créé en 2006 pour soutenir la protection et la mise en valeur de ce patrimoine. Une autre somme de 5 millions servira à offrir des visites gratuites dans les musées du Québec — un dimanche par mois.
Déployer la culture dans l’espace numérique: 116,3 millions. «Des actions visant à faciliter l’utilisation des technologies numériques à chacune des étapes menant à la consommation des contenus culturels doivent continuer à être mises en oeuvre», reconnaît le document budgétaire. Québec consacrera 40 millions au soutien des entreprises culturelles dans l’environnement numérique — notamment pour qu’elles aient accès à des moyens technologiques de diffusion des oeuvres.
L’élargissement du crédit d’impôt pour la production cinématographique ou télévisuelle québécoise coûtera quant à lui 11,6 millions sur cinq ans. Le crédit sera désormais accessible aux productions destinées à une diffusion sur les plateformes numériques. Actuellement, une diffusion à la télévision ou en salle est essentielle pour avoir accès aux crédits.
Budget du ministère bonifié. Au-delà des 509 millions spécifiquement voués à la politique culturelle, le budget montre que le budget de dépenses de programmes du ministère passera de 701 millions en 20172018 à 778 millions en 20182019, ce qui représente une hausse de 11%. Le budget pour cette année inclut toutefois 52 millions provenant du Fonds de suppléance. C’est «la plus importante hausse annuelle depuis deux décennies », se vante Québec… même si, dans les faits, le budget du ministère continue d’accaparer un peu moins de 1% du budget global du Québec.
Au bout du compte — dépenses des organismes, fonds spéciaux et dépenses financées par le régime fiscal —, le financement gouvernemental pour le secteur culturel est établi à 1,2 milliard pour cette année.
La coalition La culture, le coeur du Québec (qui regroupe une quarantaine d’organismes) a «salué la reconnaissance de la culture comme secteur stratégique », mais estime que «les engagements financiers demeurent insuffisants». Le Mouvement pour les arts et les lettres a sur le même ton évoqué «un geste significatif» du gouvernement, mais en deçà de ses attentes.