Le Devoir

Médias La crédibilit­é des journalist­es en forte hausse

Une majorité de Québécois s’informent moins d’une fois par semaine, note également l’étude

- PHILIPPE PAPINEAU

La confiance des Québécois envers le journalism­e — et plus particuliè­rement envers les journalist­es — a connu une hausse importante depuis l’an dernier, selon le volet local du plus récent Baromètre de confiance Edelman. Paradoxale­ment, la population d’ici tend à se désintéres­ser de l’informatio­n davantage que dans le reste du monde.

Le coup de sonde mené auprès de 1000 Québécois — l’étude mondiale a rejoint plus de 33 000 citoyens dans 28 pays — montre que 44% des répondants jugent les journalist­es comme «très crédibles» ou «extrêmemen­t crédibles», une hausse de pas moins de 18% par rapport à 2017.

Le Baromètre de confiance Edelman révèle aussi que 66% des Québécois ont confiance dans les sources de nouvelles et d’informatio­n d’ordre général, une hausse de 12% par rapport au sondage de l’an dernier. Au Canada, la hausse n’est que de trois points de pourcentag­e, à 49 %.

Edelman scrute dans ses sondages quatre institutio­ns: les ONG, les entreprise­s, le gouverneme­nt et les médias. D’un point de vue très global, le sondage montre au Québec une hausse de confiance de 5% envers les médias en tant qu’institutio­n, une croissance d’un point de pourcentag­e supplément­aire par rapport au Canada dans son entier.

J’aime (moins) mon voisin

En entrevue au Devoir, le chef mondial des opérations d’Edelman, Matthew Harrington, a souligné certaines particular­ités québécoise­s et canadienne­s en comparaiso­n avec les chiffres globaux. Par exemple, en moyenne dans le monde, la hausse de la confiance envers les sources de nouvelles et d’informatio­n n’est que de 5 %.

«C’est un réflexe d’aller vers les ressources de confiance, et c’est intéressan­t de noter au Québec en particulie­r la croissance de la crédibilit­é des experts universita­ires ou des experts techniques. On donne une valeur aux porte-parole des tiers partis», explique M. Harrington, qui s’adressera mardi au Conseil des relations internatio­nales de Montréal (CORIM).

Matthew Harrington souligne aussi le déclin au Québec de la crédibilit­é d’une catégorie spéciale, celle intitulée «Une personne comme vous », c’est-à-dire un pair, un citoyen qui vous ressemble. «C’est en déclin de neuf points cette année, dit le chef des opérations d’Edelman. Ce qui est intéressan­t ici, c’est que

ça reflète une précaution accrue quant à la nature des nouvelles partagées sur les réseaux sociaux. “Une personne comme moi” peut m’envoyer des faits erronés, parce qu’elle ne les a pas vérifiés. Je crois que les Québécois sont plus à l’affût de ça.»

Désengagem­ent

Mais tout n’est pas rose dans les chiffres du Baromètre de confiance d’Edelman. L’étude montre que peu de Québécois s’informent régulièrem­ent, 61% consommant des nouvelles

moins d’une fois par semaine, qu’elles proviennen­t des grands médias directemen­t ou qu’elles soient relayées par des connaissan­ces. Un pourcentag­e qui est bien au-dessus de la moyenne canadienne de 54% et de la moyenne mondiale, qui est de 50%.

«Pour moi, c’était alarmant de voir ça, dit M. Harrington. Un des remèdes pour ça, c’est oui de créer du contenu attirant, mais aussi et surtout d’expliquer aux lecteurs en quoi ils devraient estimer la nouvelle qu’ils lisent comme étant crédible. Il y a et il devra y avoir des efforts

grandissan­ts par les groupes de presse dans le monde pour non seulement informer, mais aussi pour raconter comment ils font l’informatio­n.» M. Harrington donne l’exemple américain du New York Times et de son balado The Daily, qui a un grand nombre d’abonnés.

Autres bémols dans le coup de sonde : les Québécois se sentent souvent comme le dindon de la farce. 58 % des répondants locaux estiment que les organisati­ons médiatique­s s’inquiètent davantage de leur lectorat ou de leurs cotes d’écoute que de la transmissi­on d’informatio­n de qualité. Ils sont quelque 60 % à penser que les médias sacrifient l’exactitude pour être les premiers à annoncer une nouvelle. Le Baromètre montre aussi que 48 % d’entre eux trouvent que les médias sont plus soucieux d’appuyer une idéologie que d’informer le public.

En ce sens, Matthew Harrington croit en l’investisse­ment dans le journalism­e et particuliè­rement dans l’enquête. «Prenez le Globe and Mail avec son dossier “Unfounded”, sur les agressions sexuelles, ç’a fait son chemin dans la population, et ça distille un sentiment de confiance, car les institutio­ns sont plus responsabl­es. C’est incroyable­ment important à notre époque.»

 ??  ??
 ?? GETTY IMAGES ?? Plus de 50% des Québécois estiment que les organisati­ons médiatique­s s’inquiètent davantage de leur lectorat ou de leurs cotes d’écoute que de la transmissi­on d’informatio­n de qualité.
GETTY IMAGES Plus de 50% des Québécois estiment que les organisati­ons médiatique­s s’inquiètent davantage de leur lectorat ou de leurs cotes d’écoute que de la transmissi­on d’informatio­n de qualité.

Newspapers in French

Newspapers from Canada