Des efforts restent à faire pour une équité au théâtre
Des actrices du milieu se sont réunie pour discuter de la place des femmes sur scène
Lorsque Ginette Noiseux a rejoint le Théâtre expérimental des femmes, au début des années 1980, il suffisait qu’une femme prenne la parole sur scène pour que les hommes du public se lèvent et quittent la salle.
«Quand une femme parlait au “je”, les hommes ne se sentaient pas concernés. »
Ginette Noiseux, aujourd’hui directrice du théâtre Espace Go, participait hier à une discussion sur la place des femmes au théâtre. L’événement était organisé par le Conseil québécois du théâtre à l’occasion de la Journée mondiale du théâtre.
Aujourd’hui, de jeunes auteurs féminins de théâtre, comme Sarah Berthiaume, qui participait aussi à l’événement, disent voir de nombreux personnages féminins sur scène, même dans des pièces écrites par des hommes.
Pourtant, encore récemment, au Centre du théâtre d’aujourd’hui (CTA), moins d’une pièce présentée sur quatre était écrite par une femme. Or, le directeur actuel du CTA, Sylvain Bélanger, est fier de dire qu’aujourd’hui, la participation féminine y est majoritaire. Il explique ce revirement de situation en disant qu’il a voulu faire de l’idée d’une meilleure participation féminine au théâtre un «choix» plutôt qu’un «effort».
Les panélistes de l’événement de mardi étaient invités à réfléchir sur le thème «Notre imaginaire collectif est-il paritaire?».
Pour l’auteure et comédienne d’origine congolaise Marie-Louise Bibish Mumbu, cette phrase sonnait comme une «publicité mensongère». Que veulent vraiment dire ce «notre», cet «imaginaire», ce « collectif » et ce « paritaire » ?
Les participants ont tous reconnu d’emblée que le répertoire, en particulier le répertoire classique du théâtre, fait peu de place aux femmes.
Mais qu’est-ce qui nous empêche aujourd’hui de revisiter Molière ou Shakespeare en mêlant les rôles, en donnant les rôles traditionnellement occupés par des hommes à des femmes et vice-versa?
Le test de Bechdel
De son côté, Sarah Berthiaume s’est réjouie du fait que le test de Bechdel démontre que le théâtre a une longueur d’avance sur le cinéma en matière de représentation des sexes.
Ce test vérifie si une oeuvre contient au moins deux femmes dont on connaît le nom, au moins une scène où ces deux femmes parlent ensemble et au moins une scène où elles parlent ensemble sans parler d’hommes.
Or, la majorité des oeuvres cinématographiques échouent à ce test, dit-elle, ce qui ne semble pas être le cas au théâtre.
Marie-Louise Bibish Mumbu a témoigné quant à elle d’une expérience théâtrale par laquelle elle avait présenté, au Congo, des textes de femmes racontant des abus et des viols. Un homme avait alors pris la parole pour dire que les hommes aussi vivaient des violences. «Mais les hommes ne le disent pas. Ils assurent», constate MarieLouise Bibish Mumbu.
Sylvain Bélanger constate de son côté que les oeuvres de femmes parlent davantage de souffrance et d’anxiété face à l’avenir.
Ginette Noiseux reconnaît que les femmes de théâtre du Québec ont fait du chemin depuis les années 1970. Cette semaine, un livre paru aux éditions de la Pleine Lune, Femmes en scène, en fait foi. Sous la direction d’Isabelle Doré, cet ouvrage donne la parole à plus de 30 femmes de théâtre qui sont là pour rester.