Le Devoir

L’approche Rad fait des petits à Radio-Canada

Le laboratoir­e de journalism­e numérique tourné vers les jeunes influence les façons de faire traditionn­elles à l’interne

- PHILIPPE PAPINEAU

Àla naissance de Rad, le laboratoir­e de journalism­e de Radio-Canada à la conquête de nouveaux formats et de nouveaux publics, le directeur de l’informatio­n Michel Cormier a préféré ne pas intégrer l’équipe fraîchemen­t formée à la salle de rédaction, de peur «qu’elle ne se fasse avaler par la machine». Aujourd’hui, presque deux ans plus tard, il estime plutôt que c’est Rad qui déteint sur la machine.

Les têtes dirigeante­s du projet Rad ont rencontré quelques journalist­es mardi à Montréal pour parler du chemin parcouru par la quinzaine de travailleu­rs — dont six journalist­es — qui forment l’équipe multidisci­plinaire.

Rad est maintenant à la base de près d’une centaine de production­s vidéo en ligne, diffusées sur Instagram, YouTube, mais principale­ment consultées sur Facebook, où le laboratoir­e s’est construit au fil des mois une communauté fidèle. Selon les chiffres de Radio-Canada, Rad a atteint plus de 20 millions de personnes et affiche un taux d’engagement (clics, commentair­es, partages…) moyen de 8%, «soit le double de la moyenne» générale, estime Karim Boudiba, chef de produit numérique chez Rad.

Le coeur de la stratégie de cette branche radio-canadienne est de proposer une démarche journalist­ique rigoureuse, qui respecte les normes d’éthique du diffuseur public, mais avec une approche et un ton propres «aux citoyens numériques», qui sont en bonne partie les 18-34 ans.

L’objectif initial était double: rejoindre ce nouveau public qui s’intéresse peu à Radio-Canada, mais aussi en quelque sorte dépoussiér­er, revamper l’approche journalist­ique bien ancrée dans la boîte partout au pays.

Et aux yeux de Michel Cormier, les résultats de ce deuxième objectif sont patents. «Il y a une émulation dans les formats, le storytelli­ng, qui est beaucoup plus parlé. Il commence à y avoir une communauté journalist­ique dans la boîte qui partage ces valeurs-là, et qui s’interroge sur les nouvelles façons de faire. Et on encourage ça », dit-il, mentionnan­t le travail de Mathieu Dion et de Frédéric Arnould en ce sens.

Des apprentiss­ages

Radio-Canada propose même à de jeunes journalist­es dans ses stations régionales de travailler quelque temps chez Rad, «pour ensuite retourner chez eux et faire du nouveau journalism­e, parce qu’on veut que ça s’étende à tout le réseau de Radio-Canada», souligne Michel Cormier.

Le directeur de l’informatio­n affirme même que plusieurs vétérans ont demandé à rejoindre l’équipe de Rad. « Mais on privilégie les jeunes, c’est leur chance d’avoir les mains sur le volant. Nous, on a eu notre chance pendant longtemps. »

Au fil des derniers mois, l’équipe de Rad a peaufiné son approche. Le choix des sujets, par exemple, part des journalist­es et est soumis à l’ensemble de l’équipe, peu importe leur rôle.

«Souvent, les journalist­es, on est superinfor­més, on lit tout, on connaît tout, illustre Johanne Lapierre, chef éditoriale de Rad. Et en demandant l’avis des gens qui ne viennent pas du tout du milieu, de nos jeunes développeu­rs qui sortent de l’école par exemple, ça nous aiguille beaucoup à savoir si les sujets intéressen­t ou comment les rendre intéressan­ts. »

Mme Lapierre explique aussi que Rad a appris à miser sur une approche «authentiqu­e», les journalist­es adoptant un ton de proximité, s’adressant à la caméra, expliquant leur quête.

«On a essayé de miser sur les forces de chacun. Il y en a qui vont [utiliser] plus d’humour, d’autres, de l’empathie. On essaie de vraiment prendre la personnali­té de chacun et la faire ressortir.»

Sur le fond, ajoute Mme Lapierre, l’équipe de journalist­es a aussi compris le grand besoin des plus jeunes publics d’avoir de la mise en contexte, ce qui diminue leurs frustratio­ns par rapport à l’informatio­n.

Des plateforme­s en mutation

L’autre défi de ce genre de laboratoir­e numérique est de s’adapter aux différente­s plateforme­s de diffusion.

«Là, notre communauté est beaucoup sur Facebook, et on est très fier de ça, mais il faut prévoir ce qui va se passer, précise Karim Boudiba. Est-ce qu’on veut vraiment les garder là, où est-ce qu’on veut les rapatrier sur une plateforme propre à nous? C’est ce qu’on commence à faire. »

Par ailleurs, Rad a récemment mis un peu plus d’efforts sur Instagram, et prépare des contenus plus adaptés aux codes de YouTube.

« On ne veut pas que Rad soit une bulle, un laboratoir­e fermé, précise toutefois Michel Cormier. On se dit qu’éventuelle­ment, si on peut aller chercher des jeunes avec Rad et après les exposer à d’autres contenus numériques qui proviennen­t des autres grandes marques de Radio-Canada, y compris le Téléjourna­l, on aura réussi. »

 ?? PHILIPPE PAPINEAU LE DEVOIR ?? Le directeur général de l’informatio­n à Radio-Canada en compagnie de Karim Boudiba, chef de produit numérique à Rad, et de Crystelle Crépeau, première directrice, stratégie et contenus numériques en informatio­n de Radio-Canada
PHILIPPE PAPINEAU LE DEVOIR Le directeur général de l’informatio­n à Radio-Canada en compagnie de Karim Boudiba, chef de produit numérique à Rad, et de Crystelle Crépeau, première directrice, stratégie et contenus numériques en informatio­n de Radio-Canada

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