Le Devoir

Les écoles du Québec sont dans un piteux état

Le prochain gouverneme­nt du Québec aura le loisir de revoir l’essentiel des dépenses

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ Avec Jessica Nadeau, Alexandre Shields, Isabelle Porter et Marie-Michèle Sioui

Favori des sondages depuis plusieurs mois, François Legault n’a pas fait de cachotteri­es mardi. Si la Coalition avenir Québec (CAQ) est élue en octobre prochain, son chef va «revoir les engagement­s [du budget] un par un». Et il aura une marge de manoeuvre puisque plus de 80% des dépenses annoncées n’auront pas été engagées.

Les observateu­rs ont été unanimes à dire que le budget Leitão est particuliè­rement généreux pour tout un chacun. Mais comme n’importe quel budget présenté en fin de mandat, celui-ci risque de ne pas se déployer pleinement… ce qui rend difficile l’analyse de ses impacts au-delà de l’année 2018-2019.

Un coup d’oeil sur la manière dont les dépenses du budget de mardi sont étalées dans le temps montre que l’essentiel des sommes discutées sera encore disponible — le plan économique s’étale jusqu’en 2022-2023.

Est-ce à dire que c’est un budget qui risque de ne jamais se réaliser si ce gouverneme­nt change? «On peut le regarder sous un angle différent d’un budget traditionn­el», concède Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (Université de Sherbrooke). «Mais en même temps, c’est un budget qui aura été discuté, étudié et adopté par l’Assemblée nationale quand on arrivera aux élections. »

M. Godbout établit ainsi une distinctio­n entre ce budget Leitão et les budgets préélector­aux de Pauline Marois (mars 2003), de Michel Audet (février 2007) ou de Nicolas Marceau (février 2014). «Ces budgets-là ont été déposés, et le premier ministre s’est ensuite presque directemen­t rendu chez le lieutenant-gouverneur pour demander le déclenchem­ent d’élections. Il y a une différence.»

Modifier sans tout jeter

N’empêche : adopté ou pas, un budget ne lie pas tant les mains du prochain gouverneme­nt, ajoute M. Godbout. «Ça ne veut pas dire qu’un nouveau gouverneme­nt ne pourra pas faire d’autres choix, que ce soit par la présentati­on d’un nouveau budget ou d’une mise à jour économique, pour mettre en avant sa vision. »

Les deux principaux partis d’opposition entendent d’ailleurs le faire… sans tout renier non plus. Mercredi, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, disait que «l’essentiel de ces choses-là, on va les garder. Ce qui est déjà inscrit dans le réel, on va le garder. Mais on va avoir une mise à jour économique et ensuite un budget, et on va faire des choix. »

M. Legault a précisé pour sa part qu’il est «d’accord avec le niveau des dépenses» en santé et en éducation. «De ce côté-là, ça ne changera pas. Par contre, on veut se garder la possibilit­é de réaménager certaines dépenses pour donner des services plus efficaces, avoir moins d’argent dans la bureaucrat­ie, plus d’argent dans les services», a-t-il dit.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire, a aussi parlé «d’investisse­ments bienvenus» en santé et en éducation. «Cette partie-là, on la garderait.»

Décision politique

Un budget ne fixe pas tout à long terme, indique Luc Godbout. «Un nouveau gouverneme­nt peut augmenter ou baisser les impôts, il peut revoir certaines dépenses, [piger dans] la réserve de stabilisat­ion… C’est beaucoup une question de décision politique. »

Il souligne par contre qu’un budget préélector­al comme celui de mardi, où le gouverneme­nt utilise une bonne partie des marges de manoeuvre et des surplus de l’État, laisse peu d’espace aux partis «qui aspirent au pouvoir pour dire en campagne: “Voici ce que je voudrais faire.” Ce que ça oblige, c’est de dire: “Voici ce que je ne ferai pas par rapport au budget pour avoir de l’argent et faire ceci à la place…” »

Un peu comme ce que les libéraux de Justin Trudeau ont dû faire lors de la campagne fédérale en 2015 au sujet des allocation­s pour enfants, rappelle M. Godbout.

En détail

Dans le détail, on voit que des sommes considérab­les resteront à dépenser après mars 2019. En mobilité durable, le gouverneme­nt promet des investisse­ments de plus de 1,8 milliard de dollars d’ici cinq ans, mais l’impact financier des mesures prévues en 2018-2019 se chiffre à 90,8 millions (5 %).

Le gouverneme­nt fait miroiter des investisse­ments additionne­ls de 1,6 milliard pour la réussite scolaire en éducation et en enseigneme­nt supérieur d’ici 2022-2023. Or, ces investisse­ments sont répartis au goutte-à-goutte sur cinq ans : 162,5 millions (10 %) auront été dépensés à la fin de l’année 2018-2019.

En santé, les investisse­ments additionne­ls annoncés de 5,4 milliards se matérialis­eront plus tard : l’impact financier des mesures du budget Leitão au terme de 2018-2019 sera de 390,6 millions, soit 7,2 %. Le soutien aux familles ? 300 millions prévus, dont 14 % d’ici mars 2019. Le financemen­t pour les proches aidants et les aînés? 18% des 103 millions promis auront été dépensés fin 2018-2019.

En culture, les sommes attribuées au financemen­t de la nouvelle politique culturelle comptent pour un demi-milliard d’ici 2022-2023: près de 30% de la somme est au sommaire de 20172018 et 2018-2019. Un autre demi-milliard, réservé pour la modernisat­ion du système de justice, sera dépensé plus tard que tôt: 11% de la somme est inscrite au terme de 2018-2019. Même chose pour l’accès à des habitation­s de qualité et abordables (431 millions, dont 12,8 % d’ici un an).

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Les établissem­ents scolaires du Québec, comme l’école Hochelaga à Montréal, souffrent d’un manque d’entretien.

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