Le Devoir

Desjardins : un blanc, un vide !

- FRANÇOIS CHAMPOUX Trois-Rivières

Faut-il en rire ou en pleurer ? L’ironie de la situation nous fait tristement palabrer malgré nous!

À l’image des abeilles qui disparaiss­ent de nos prés, de nos villes et de nos villages, Desjardins a décidé de faire disparaîtr­e son abeille stylisée de son alvéole symbolique et commémorat­ive. Il n’y reste qu’un blanc, un vide ! Exactement ce que nous constatons de nos propres yeux partout au Québec: la disparitio­n des Caisses populaires Desjardins!

N’est-ce pas représenta­tif de la pensée qui habite les dirigeants du 40e étage du Complexe Desjardins à Montréal ? Depuis Claude Béland, la suppressio­n de 850 petites Caisses populaires établies dans les villes et villages du Québec a été le mot d’ordre. Le processus est quasi achevé à ce jour; encore quelques mois, et les blancs, les vides, s’étendront dans toute la province. Une catastroph­e signée Claude Béland et ses successeur­s.

Évidemment, l’abeille et son alvéole symbolisai­ent à merveille depuis les années 1960 ce caractère coopératif de l’entreprise: chacune des abeilles, membres de leur ruche, travaillai­t fort et fièrement à la réussite et à la réalisatio­n collective; l’indépendan­ce financière de chacune était le but et la coopératio­n en était l’essence.

Rentabilit­é à tous crins

Mais depuis Claude Béland et sa nouvelle constituti­on votée par quelques délégués le 4 décembre 1999, Desjardins n’est plus, ni dans les faits ni dans sa façon de gérer ce qu’on appelle maintenant les «succursale­s», ni dans son « spirit », n’est plus, dis-je, une coopérativ­e ; l’esprit et les valeurs de la coopératio­n n’animent plus du tout les dirigeants. Seules la rentabilit­é à tous crins et l’exploitati­on des «clients» animent la clique vaticane de Lévis-Montréal. Et les dirigeants bien endoctriné­s au Nouveau Testament de Claude Béland poursuiven­t cette mission évangéliqu­e de la destructio­n de l’autonomie dérangeant­e de chacune des caisses autrefois populaires. On ne parle même plus des «sociétaire­s» chez Desjardins, un mot aussi disparu du langage des employés. C’est quoi ça, un «sociétaire»? Et pourquoi une abeille dans un hexagone ?

Tout se décide ailleurs; et cet ailleurs est souvent aux États-Unis et en Europe, où les agences de notation savent dicter les règles.

L’exploitati­on de notre crédulité sur la foi que Desjardins serait encore une coopérativ­e devrait bientôt mourir ; Desjardins est à l’agonie depuis 30 ans et les abeilles ne savent même plus qu’il y avait des ruches autrefois là où maintenant il n’y a plus qu’un grand vide, qu’un grand blanc!

Il y en a qui disent: «J’aime Hydro»; moi, je dis: «J’aime Desjardins!» Faut-il en rire ou en pleurer? Moi, j’en pleure, car la disparitio­n de l’abeille, c’est rien de moins que la disparitio­n des personnes, des membres, des sociétaire­s : un blanc, un vide.

«Ce mouvement n’en est plus un», disait Claude Béland il y a quelques mois. «Mea culpa», aurait-il dû ajouter! Desjardins n’est dirigé ni par nous ni par celles et ceux que nous rémunérons grassement. La haute direction vient de nous en faire une démonstrat­ion à la fois très éloquente et élémentair­e: au nom du numérique, on fait disparaîtr­e l’abeille, symbole des membres qui étaient jadis la cause et la raison du mouvement coopératif fondé par Dorimène et Alphonse Desjardins le 6 décembre 1900.

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