Perception de la TVQ: le plan de Québec soulève des questions
Au lieu du traitement des colis provenant de l’étranger, il faut aller à la source de la transaction, selon le CQCD
Le plan de nouveau décrit par Québec afin de mieux taxer les biens corporels provenant de l’étranger soulève des questions chez les spécialistes, qui s’interrogent sur l’efficacité de manipuler des colis afin de récupérer les revenus qui glissent entre les doigts du fisc.
Le budget Leitão présenté mardi a signalé que le gouvernement québécois, comme évoqué à l’automne 2017, va travailler avec Ottawa aux frontières, mais il a précisé qu’un projet-pilote consistera dès ce printemps à augmenter la capacité du centre de tri de Postes Canada à Montréal.
La taxe de vente du Québec (TVQ) ne serait perçue que 10% du temps dans le cas des achats faits sur Internet auprès de commerçants hors Québec, une réalité qui représente des pertes de 158 millions. Dans le cas des fournisseurs ailleurs au Canada, selon les observations de Revenu Québec relayées dans le budget, la TVQ est perçue dans 84% des situations, pour des pertes de 42 millions.
«Si on veut aller chercher les taxes sur les biens tangibles, il y a une difficulté», a dit Brigitte Alepin, professeure de fiscalité au Département des sciences comptables de l’UQAM. «Quel sera le résultat? Je ne peux pas le dire. […] On est coincé avec un système archaïque et on essaie d’adapter ça à la réalité d’aujourd’hui.» Mais pour le gouvernement québécois, les moyens concrets d’agir demeurent relativement limités, a soutenu Mme Alepin.
Comme promis, Québec a aussi annoncé mardi que dès le 1er janvier 2019, la TVQ s’appliquera sur les produits « intangibles» vendus au Québec par des plateformes comme Netflix ou Apple. Interrogé par l’opposition, le premier ministre Justin Trudeau a répété mercredi qu’Ottawa n’entend pas taxer les géants étrangers, son argument voulant que cela serait assumé par les contribuables.
Le gouvernement du Québec a indiqué que le projet-pilote avec Postes Canada aura lieu dès ce printemps. La société d’État n’a pas voulu offrir de plus amples détails. Le Devoir a aussi transmis une demande au ministère fédéral de la Sécurité publique, responsable de l’Agence des services frontaliers du Canada. Dans son plan sur la lutte contre les paradis fiscaux et l’équité fiscale, à l’automne 2017, Québec a indiqué qu’il est prêt à «contribuer financièrement» aux efforts de perception des services frontaliers.
« Il faudrait vraiment aller au point de la transaction », a dit l’économiste Pierre-Emmanuel Paradis, président de la firme-conseil AppEco qui participe régulièrement aux travaux du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). «C’est là le moment où la taxe devrait être versée. […] C’est impensable de faire ça un colis à la fois, avec des machines ou des gens. » Le CQCD a tout de même salué les efforts de Québec au chapitre de l’équité fiscale.
Volume important
La perception de la TVQ sur les biens corporels achetés en ligne auprès de fournisseurs étrangers repose entre les mains de l’Agence des services frontaliers du Canada. «Cependant, avec l’avènement du commerce électronique, les administrations postales font face à une forte hausse du nombre de colis transitant par les centres de dédouanement, et les taxes de vente ne sont prélevées que sur une fraction des biens corporels importés», a écrit le ministère des Finances du Québec.
C’est à la frontière qu’il serait plus efficace de percevoir la TVQ, selon Québec. Car si les biens incorporels et les services sont l’affaire de quelques grandes compagnies, les produits physiques « impliquent de nombreux commerces de toutes tailles» dans plusieurs pays.
Parmi les idées avancées par la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, en 2015, on s’interrogeait sur la possibilité de se tourner vers les institutions financières de paiement, qui agissent comme intermédiaires entre les consommateurs et les fournisseurs.