Le Devoir

Cent trente-sept nuances de terrorisme

Une étude révèle que les djihadiste­s condamnés en France sont pour la plupart des hommes peu éduqués

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Paris — Les djihadiste­s condamnés en France de 2004 à 2017 étaient pour la plupart des hommes peu éduqués, mal intégrés, avec le plus souvent un passé marqué par la délinquanc­e, révèle une étude statistiqu­e, la première du genre, menée par un chercheur français.

Afin de tenter de cerner le profil des djihadiste­s, Marc Hecker, directeur des publicatio­ns de l’Institut français des relations internatio­nales (IFRI), a étudié le parcours de 137 individus condamnés pour des faits de terrorisme, en se basant sur les sources judiciaire­s issues de leurs procès.

S’inspirant de la méthode établie par le chercheur américain Marc Sageman, auteur en 2004 du livre-réfé- rence Le vrai visage des terroriste­s, Marc Hecker a collecté les données publiqueme­nt accessible­s sur 131 hommes et 6 femmes condamnés par la justice française pendant cette période.

«Il en ressort que ces individus se distinguen­t par un niveau d’éducation et une intégratio­n profession­nelle plus faibles, un degré de pauvreté plus important, un engagement dans la criminalit­é plus élevé et un rapport plus étroit au Maghreb et à l’Afrique subsaharie­nne que la moyenne de la population française», écrit le chercheur dans son étude de 52 pages, qui sera diffusée le 10 avril sur le site de l’IFRI (www.ifri.org).

Cette étude, intitulée 137 nuances de terrorisme. Les djihadiste­s de France face à la justice, est également « qualitativ­e et permet de mieux comprendre les processus de radicalisa­tion et de basculemen­t dans le terrorisme ».

Elle évoque notamment la question de la récidive, «à travers les cas d’individus condamnés pour des faits de terrorisme qui, après avoir purgé leur peine, ont perpétré des attentats sur le sol français».

«Cette question est d’autant plus brûlante qu’une soixantain­e de personnes condamnées pour des actes de terrorisme devraient être libérées dans les deux prochaines années», écrit Marc Hecker.

L’âge moyen au moment des faits s’établit à 26 ans, même si les djihadiste­s condamnés en 2017 étaient sensibleme­nt plus jeunes (24 ans en moyenne). Environ la moitié de l’échantillo­n est constituée de membres des «filières syriennes», ayant rejoint ou souhaité rejoindre les anciennes zones de djihad en Syrie.

Parmi l’échantillo­n, «les situations de chômage ou d’emploi précaire sont majoritair­es», pointe l’étude, la moyenne des revenus tournant autour de mille euros mensuels. «Un seul djihadiste avait des revenus très élevés qu’il tirait du trafic de stupéfiant­s».

Sur les 130 personnes dont la nationalit­é a pu être connue, il y avait 90 Français, 29 binationau­x (14 Franco-Marocains, 10 Franco-Algériens, 5 FrancoTuni­siens) et seulement onze étrangers.

«Ces statistiqu­es confirment une tendance observée dans d’autres pays d’Europe depuis les attentats de Londres en 2005: le terrorisme qui touche la France est essentiell­ement domestique», ajoute le rapport.

Enfin, sur les 136 prévenus ou accusés dont la religion était connue, 101 étaient musulmans (74%) et 35 convertis à l’islam (26 %).

L’âge moyen au moment des faits s’établit à 26 ans

 ?? JEAN FRANÇOIS BADIAS ASSOCIATED PRESS ?? Arrestatio­n d’un présumé djihadiste à Strasboug en 2014. L’étude de Marc Hecker «permet de mieux comprendre les processus de radicalisa­tion et de basculemen­t dans le terrorisme».
JEAN FRANÇOIS BADIAS ASSOCIATED PRESS Arrestatio­n d’un présumé djihadiste à Strasboug en 2014. L’étude de Marc Hecker «permet de mieux comprendre les processus de radicalisa­tion et de basculemen­t dans le terrorisme».

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