Le Devoir

La très polie « guerre civile » au Parti démocrate américain

La perspectiv­e de la reconquête du Congrès aux élections de mi-mandat soude les différente­s factions de l’opposition

- IVAN COURONNE à Washington

Ils sont démocrates et s’opposent au droit à l’avortement, défendent le port d’armes à feu ou se targuent de coopérer avec Donald Trump. Mais ces iconoclast­es ne sont pas des dynamiteur­s de parti.

La perspectiv­e de la reconquête du Congrès, aux élections de mi-mandat en novembre, soude les différente­s factions de l’opposition, des modérés à la gauche de la gauche. Certes, elles se disputent aux primaires qui ont déjà débuté. Mais la fin justifie les moyens.

«Les leaders du Parti démocrate veulent la majorité à tout prix, ils se fichent du type de candidats qui la leur donnera», assure le professeur de science politique Robert Boatright, de l’Université Clark, à l’AFP.

On a donc vu les instances nationales démocrates applaudir à l’élection de Conor Lamb en Pennsylvan­ie lors d’une élection partielle récente — un trentenair­e pro-armes, anti-IVG et qui a appelé au renverseme­nt de la chef des démocrates à la Chambre des représenta­nts, Nancy Pelosi.

Du Texas au Massachuse­tts, des candidats démocrates se sont également engagés à empêcher qu’elle redevienne «speaker» en cas de basculemen­t de la majorité. Dans l’Illinois, le démocrate sortant Dan Lipinski, opposé au droit à l’avortement, vient d’être réinvesti dans une primaire difficile contre une candidate progressis­te soutenue par Bernie Sanders.

Et quand la sénatrice démocrate sortante du Missouri Claire McCaskill s’est permis de critiquer Hillary Clinton sur la manière dont elle parle des électeurs de Donald Trump, la chaîne conservatr­ice Fox News a consacré plusieurs minutes, dans sa matinale, à la «guerre civile démocrate».

«C’est très exagéré», nuance cependant à l’AFP Norman Ornstein, vieil observateu­r de la politique américaine à l’American Enterprise Institute. «Il y a une différence de culture entre la gauche et la droite dans ce pays », poursuit-il.

Pas comme la révolte du Tea Party

Les disputes internes démocrates n’ont rien à voir, selon lui, avec les déchiremen­ts qu’a connus le Parti républicai­n en 2010 avec la révolte du Tea Party, mouvance ultraconse­rvatrice dont la vocation était de déboulonne­r l’establishm­ent républicai­n. Au Congrès, il n’y a chez les démocrates ni Rand Paul ni Ted Cruz, ces sénateurs républicai­ns en conflit permanent avec leur majorité.

Les élections de mi-mandat sont des référendum­s sur le président. Bill Clinton en a fait les frais en 1994, comme George W. Bush, empêtré dans la guerre d’Irak, en 2006, et Barack Obama en 2010, après sa réforme du système de santé. Donald Trump, avec une cote de popularité sous 40%, pourrait compléter la série — même s’il est persuadé que l’embellie économique et la baisse d’impôt joueront en sa faveur.

Le Parti démocrate, au niveau national, mise donc sur une vague anti-Trump pour mobiliser son noyau électoral.

Mais il se fait sciemment plus discret dans les circonscri­ptions remportées par le milliardai­re en novembre 2016, calculant que certains électeurs sont prêts à revoter démocrate à condition de ne pas vouer le président aux gémonies.

«Les démocrates n’ont pas besoin de beaucoup d’électeurs de Trump pour reprendre la Chambre», estime en outre John Hudak, chercheur à la Brookings Institutio­n, à l’AFP.

Sur les 435 sièges de la Chambre, une cinquantai­ne de circonscri­ptions seulement sont suffisamme­nt équilibrée­s politiquem­ent pour que l’un ou l’autre parti l’emporte. Les démocrates ont besoin d’en conquérir 24 pour reprendre le perchoir.

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GENE J. PUSKAR ASSOCIATED PRESS Les instances nationales démocrates ont applaudi à l’élection de Conor Lamb lors d’une élection récente, lui qui a appelé au renverseme­nt de la chef des démocrates à la Chambre des représenta­nts.

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