Moins de contrevenants à la loi sur la langue d’affichage.
L’effet d’un adoucissement des règles ?
La proportion d’entreprises de l’île de Montréal qui se conforment aux règles d’affichage public a progressé de manière importante en l’espace de sept ans, révèle une étude publiée jeudi par l’Office québécois de la langue française (OQLF). Des résultats encourageants qui s’expliquent toutefois en partie par les nouvelles balises du gouvernement libéral, que certains jugent trop floues.
Le rapport de l’OQLF indique qu’entre 2010 et 2017, le taux de conformité des entreprises situées sur l’île de Montréal en matière d’affichage général — qui comprend à la fois le nom d’entreprise et les messages affichés — a progressé de six points de pourcentage, passant de 72 % à 78 %.
Cette hausse s’observe dans tous les secteurs étudiés, mais le centre-ville et l’ouest de l’île ont connu les augmentations les plus marquées. Le taux de conformité est passé de 69% à 78% dans le premier cas et de 63% à 67% dans le second.
«On voit bien qu’en sept ans, il y a une hausse de conformité très intéressante, mais c’est sûr qu’il y a encore du chemin à parcourir, affirme le président-directeur général de l’OQFL, Robert Vézina, en entrevue au Devoir. De temps en temps, il est important de souligner qu’on fait des gains, que certaines actions semblent porter leurs fruits. Ça nous confirme qu’on est dans la bonne direction. »
«On peut voir une nette amélioration quand on regarde l’évolution depuis 2010, confirme le coordonnateur de l’Observatoire national en matière de droits linguistiques, Jérome Tremblay. Mais c’est probablement en grande partie lié aux modifications réglementaires qui ont eu lieu en 2016. […] Il y a un pas qui a été fait. On pourrait cependant débattre longtemps sur la longueur du pas. »
Dans son rapport, l’OQLF reconnaît d’ailleurs que « les nouvelles dispositions réglementaires concernant l’affichage des marques de commerce pourraient expliquer partiellement les hausses observées entre 2010 et 2017».
«Présence suffisante» du français
Le nouveau règlement rédigé par le gouvernement libéral est entré en vigueur en novembre 2016. Plutôt que de modifier la Charte de la langue française pour forcer les entreprises à franciser leur nom anglophone à l’aide d’un générique ou d’un descriptif, Québec s’est contenté d’exiger une « présence suffisante » du français sur les façades.
Dans le cas fictif d’une boutique de vêtements nommée Coolkids, le règlement prévoit que l’entreprise peut ajouter un générique français («Les vêtements Coolkids»), un descriptif («Coolkids: vêtements pour enfants de 0 à 12 ans»), un slogan ou tout autre texte lisible de manière permanente dans le même champ visuel que celui de la marque de commerce. Les entreprises ont jusqu’en novembre 2019 pour se conformer au règlement.
«Qu’est-ce qu’une présence suffisante? C’est ça, le nerf de la guerre, souligne M. Tremblay. Il est où, le minimum? Est-ce qu’afficher “entrée” sur ma porte, quand tout le reste est en anglais, c’est une présence suffisante du français? On ne le sait pas. […] Si on voulait vraiment préserver le visage francophone du Québec, il aurait fallu adopter quelque chose qui a plus de mordant. »
Plusieurs causes
Le patron de l’OQLF admet que le récent règlement peut avoir contribué à la hausse du taux de conformité des entreprises montréalaises, mais il précise que les commerces au nom anglophone concernés par les nouvelles balises ne représentent qu’une minorité.
«Cet aspect réglementaire ne peut pas servir à expliquer toute la hausse de conformité, dit-il. Selon moi, il faut surtout chercher la réponse du côté d’une plus grande sensibilisation des entreprises, des commerces, par rapport à la réglementation sur l’affichage public.»
Même s’il est encouragé par les résultats obtenus, l’OQFL note dans son rapport qu’un peu moins du quart des entreprises de l’île de Montréal (22,5%) présente toujours un affichage public non conforme, ce qui démontre «qu’il est nécessaire d’examiner cette question davantage ».
Robert Vézina croit que le non-respect des règles peut être lié à une certaine résistance, mais il montre surtout du doigt l’ignorance de certains propriétaires. Il estime donc que l’OQLF doit redoubler d’efforts pour mieux les informer.