Un édifice signé Lucien Mailing risque la démolition
Pourquoi Sainte-Anne-de-la-Pocatière se refuse-t-elle à protéger la Villa Saint-Jean ?
Le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière tente sans succès de se départir de la Villa Saint-Jean, un bâtiment à l’architecture moderne édifié en 1956. Faute d’un acheteur et d’une législation propre à favoriser sa reconversion, l’édifice risque de passer sous le pic des démolisseurs, s’insurge Action Patrimoine, la plus importante association vouée à la défense du patrimoine bâti et des paysages culturels du Québec.
Dans une lettre envoyée à la municipalité, Action Patrimoine se demande pourquoi Sainte-Anne-de-la-Pocatière n’entend pas favoriser la reconversion de ce bâtiment conçu par l’architecte Lucien Mailing et Zbigniew Jarnuszkiewicz, son assistant d’origine polonaise. C’est le même architecte, rappelle l’organisme, qui a conçu une partie du campus de l’Université Laval. Jarnuszkiewicz a pour sa part reçu en 2001 la médaille du mérite de l’Ordre des architectes du Québec pour l’ensemble de son oeuvre.
Propriété du diocèse, l’édifice n’est plus chauffé depuis trois ans afin d’économiser. L’économe diocésain, Yvan Thériault, mandaté pour le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour s’exprimer à ce sujet, a indiqué au journal régional Le Placoteux que, «pour nous, une bâtisse qui date de 1956, ça ne fait pas partie du patrimoine, même si elle a été construite par des architectes célèbres».
«La vente étant conditionnelle à un changement de zonage, explique Action Patrimoine, nous avons communiqué avec le directeur de l’urbanisme de la Ville pour lui demander de prendre des mesures permettant de considérer la valeur patrimoniale de l’édifice avant de rendre une décision. »
Selon Émilie Vézina-Doré, directrice d’Action Patrimoine, «la Ville devrait prendre acte de la valeur du patrimoine moderne», qu’on fixe d’ordinaire dans une période comprise entre 1945 et 1975.
Or, à la Ville, pas question de modifier la législation pour assurer la préservation de l’édifice. Sainte-Anne-de-la-Pocatière s’en remet plutôt à son règlement qui veut que les édifices qui datent d’après 1951 ne bénéficient d’aucune protection particulière.
« C’est le règlement », répète le maire Sylvain Hudon en entrevue au Devoir. Il est fort à propos que les gens posent des questions, dit-il.
Est-ce à dire que la municipalité n’a pas à considérer les possibilités d’un changement de vocation tout en assurant la préservation du lieu? «Selon plusieurs personnes, ce serait bon. Mais nous autres, on a un règlement. On a fait un comité. Et puis, 1951, c’est la date retenue. […] Les architectes sont déçus. »
Mais pourquoi cette date de 1951 plutôt qu’une autre? «On aurait pu mettre 1950. On aurait pu mettre 1959. Il vient un moment donné où on doit fixer une limite. Il y a une part d’arbitraire », admet le maire.
Et si la cathédrale du lieu, construite en 1969, appréciée elle aussi pour sa valeur architecturale, était soudain promise à la démolition par son propriétaire, que ferait la municipalité?
«On ne pourrait rien faire. Parce que c’est pas dans le règlement. J’ai peut-être l’air de ne pas m’y intéresser, mais j’ai étudié en archéologie classique à l’Université Laval. Je sais qu’il y a des bâtiments qui ne sont plus là. On peut les prendre en photo avant qu’ils disparaissent.»
Le maire ne voit d’ailleurs pas ce qu’on pourrait faire de plus au sujet de la Villa SaintJean. «Je sais qu’à Montréal on garde la façade de certains vieux bâtiments. Est-ce que c’est ça qu’on devrait faire ? On n’en a pas les moyens. »
Selon le maire Hudon, la municipalité de Sainte-Anne-de-la-Pocatière tente de préserver son patrimoine. «On essaie de préserver le plus possible. On a acheté un terrain de l’archevêché, près de la Villa Saint-Jean, pour préserver la nature.»
Sylvain Hudon garde confiance qu’un acheteur pour l’édifice se manifeste avant que des travaux de démolition de la Villa Saint-Jean soient entrepris.