Le Devoir

Des autochtone­s dans la foulée de #MoiAussi

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Le mouvement #MoiAussi concerne aussi les autochtone­s du Québec, et ceux-ci se sont dotés jeudi d’un plan d’action contre les violences sexuelles qui propose d’inclure les agresseurs et de privilégie­r le recours à la justice réparatric­e.

«On a su apporter nos couleurs», a résumé la présidente de Femmes autochtone­s du Québec, Viviane Michel, au terme d’un forum de trois jours qui a réuni 200 délégués des Premières Nations à Québec.

Le plan «On guérit ensemble» est culturelle­ment adapté, en ce sens qu’il privilégie « la prééminenc­e et le respect de la vision, la culture, la langue et la spirituali­té de chaque Première Nation et l’entière reconnaiss­ance de leurs savoirs et pratiques ». Il mise sur l’accessibil­ité aux services, la mobilisati­on des communauté­s et la collaborat­ion avec les partenaire­s allochtone­s.

Au Canada, le taux d’agressions sexuelles chez les autochtone­s est presque trois fois plus élevé que celui obser vé chez les allochtone­s.

Le plan laisse aussi une place aux agresseurs, puisqu’ils font eux aussi partie de la problémati­que, a rappelé Viviane Michel.

«Lorsqu’un agresseur est passé en cour, il faut qu’il aille faire son temps en prison. Mais la personne n’a jamais travaillé son problème et nous, on a des façons propres à nous qui amènent

« On la voit un peu partout, la méfiance qu’on a envers » la justice parce qu’on est des femmes autochtone­s Viviane Michel, présidente de Femmes autochtone­s du Québec

le changement chez un être», a-t-elle déclaré, en rappelant le caractère «punitif» des systèmes de justice québécois et canadien.

Des crises qui font les manchettes

À la base de l’élan ayant mené au forum: la crise de Val-d’Or. Au terme de celle-ci, en novembre 2016, 12 femmes ayant porté plainte contre des policiers se sont heurtées à une décision du Directeur des poursuites criminelle­s et pénales de ne pas envoyer leurs dossiers devant les tribunaux, faute de preuve suffisante.

Dans une réflexion sur l’ensemble de la crise, une observatri­ce indépendan­te a conclu au «racisme systémique» des forces de l’ordre à l’égard des autochtone­s.

Aussi en trame de fond, un constat répété devant la Commission d’enquête sur les relations entre les autochtone­s et certains services publics au Québec, et qui veut que le système — policier, judiciaire — échoue à protéger les femmes autochtone­s.

«On la voit un peu partout, la méfiance qu’on a envers la justice parce qu’on est des femmes autochtone­s», a rappelé Viviane Michel jeudi. «Je pense qu’on s’en va peut-être vers notre propre système de justice, qui est peut-être plus de la justice réparatric­e et qui répond à nos attentes», a-t-elle avancé.

Également dans l’actualité, un reportage de Radio-Canada levant le voile sur les agressions sexuelles de femmes inuites par des travailleu­rs contractue­ls — et sur les propos d’un juge de Val-d’Or, Jean-Pierre Gervais, qui a dit de la culture inuite qu’elle était «laxiste» et « liber tine ».

«J’ai regardé ça avec beaucoup de tristesse. J’ai trouvé ça triste, découragea­nt, mais ce n’est pas l’ensemble de la réalité inuite non plus», a déclaré le ministre des Affaires autochtone­s, Geoff Kelley, en marge du forum. Devant la foule, il s’est engagé à ce que «l’ensemble du gouverneme­nt» prenne connaissan­ce du travail effectué au cours du forum.

Sa collègue à la Condition féminine, Hélène David, a promis de rencontrer les groupes autochtone­s dans le cadre des consultati­ons visant à mettre à jour le Plan d’action gouverneme­ntal en matière de violence conjugale, qui est venu à échéance l’an dernier.

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