Le Devoir

La colère monte au Venezuela, après la mutinerie mortelle

- ALEXANDER MARTINEZ MARGIONI BERMÚDEZ à Valencia

La colère montait jeudi au Venezuela, au lendemain d’une des pires mutineries de son histoire, durant laquelle 68 personnes sont mortes dans un incendie dans un commissari­at surpeuplé de Valencia (nord), nouvel épisode d’un fléau qui touche l’Amérique latine.

Jeudi, sous un soleil de plomb, des familles aux visages graves et avides d’informatio­ns étaient toujours agglutinée­s devant les portes du commissari­at principal de la capitale de l’État de Carabobo, a constaté l’AFP.

«On ne me laisse pas passer pour voir s’il est mort ou pas!» criait, désespérée, Maria, dont le fils est détenu.

Des barrières métallique­s étaient disposées devant une des entrées, carbonisée, de cet édifice en briques et tout en longueur.

«Hier [mercredi], on m’a remis le corps de mon neveu et je suis là aujourd’hui depuis six heures du matin pour qu’on me rende sa carte d’identité» afin de pouvoir l’enterrer, a déclaré à l’AFP Carmen Varela. «Il n’a pas été brûlé, on lui a tiré dans la tête. De ce qu’on peut voir, ça a été un massacre», a-t-elle dénoncé.

Jets de pierres, bousculade­s, cris, pleurs et évanouisse­ments: mercredi soir, des heurts ont opposé des proches des détenus à la recherche de nouvelles et les forces de l’ordre à proximité du bâtiment.

Jusqu’ici, aucune liste avec les noms des victimes n’avait été fournie par les autorités.

Les Nations unies se sont dites jeudi «consternée­s» et ont demandé à Caracas de mener une enquête «efficace» pour déterminer la cause du drame.

«Les États sont garants de la vie et de l’intégrité physique des personnes privées de liberté», a souligné le bureau du haut-commissair­e aux droits de l’homme.

Le Venezuela est en plein marasme économique et social, en grande partie à cause de la chute des cours du pétrole, dont il tire 96 % de ses revenus. Outre la pénurie généralisé­e, cela se traduit par une hyperinfla­tion attendue à 13 000 % en 2018 par le FMI.

La veille, après plusieurs heures d’incertitud­e, le procureur général Tarek William Saab avait confirmé tard dans la nuit de mercredi à jeudi le nombre de victimes.

«Face aux terribles événements survenus dans le commissari­at principal de l’État de Carabobo, où un incendie présumé a fait 68 morts, nous avons désigné quatre procureurs […] pour éclaircir ce qui s’est passé », a déclaré Tarek William Saab, sur son compte Twitter.

M. Saab n’a pas précisé les circonstan­ces de la tragédie, mais l’ONG «Une fenêtre vers la liberté», qui défend les droits des prisonnier­s, assure que l’incendie a été provoqué par un groupe de détenus qui cherchait à s’évader.

«Les détenus ont tenté de kidnapper deux policiers. Voyant qu’ils n’y arrivaient pas, ils ont déclenché une émeute et ont décidé d’incendier des matelas en pensant qu’on leur ouvrirait alors les portes. Mais les grilles sont restées fermées», a déclaré jeudi à l’AFP le directeur de cette ONG, Carlos Nieto.

Les pompiers ont dû ouvrir un trou à l’arrière de l’édifice pour que les prisonnier­s puissent sortir. «Certains sont morts brûlés et d’autres par asphyxie», a ajouté M. Nieto, selon qui quelque 200 détenus se trouvaient dans le bâtiment.

Surpopulat­ion

La surpopulat­ion dans les prisons du Venezuela oblige les forces de l’ordre à utiliser les commissari­ats comme lieux de détention de longue durée. Or, selon la loi, la détention ne doit pas excéder 48 heures dans ces locaux.

Le surpeuplem­ent représente 400 % de la capacité d’accueil au Venezuela.

«S’il faut responsabi­liser quelqu’un, c’est l’État pour négligence, car il utilise ces dépôts [de la police] comme des prisons, alors qu’ils ne sont pas faits pour ça », a-t-il estimé.

Le procureur général a promis une enquête rapide pour «établir les responsabi­lités» dans ce drame.

Au moins 388 personnes sont mortes depuis 2011 dans les prisons vénézuélie­nnes, selon les chiffres officiels et ceux des ONG de défense des droits de la personne.

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