Le Devoir

Sarkozy devant la justice pour trafic d’influence

- SOPHIE DEVILLER MEHDI CHERIFIA à Paris

Avis de tempête pour Nicolas Sarkozy: l’ex-président français a été renvoyé devant la justice dans une affaire de corruption active et de trafic d’influence révélée par des écoutes téléphoniq­ues, une semaine après avoir été mis en examen pour les soupçons de financemen­t libyen de sa campagne de 2007.

L’ancien chef de l’État est renvoyé aux côtés de son avocat Thierry Herzog et de l’exmagistra­t Gilbert Azibert. Tous trois le sont pour «corruption active» et «trafic d’influence». Les deux derniers le sont aussi pour «violation du secret profession­nel», a-t-on appris de sources proches du dossier, confirmant une informatio­n du journal Le Monde.

Les avocats de Nicolas Sarkozy, Pierre Haïk et Jacqueline Laffont, ont indiqué à l’AFP qu’ils allaient faire appel du renvoi de leur client.

Dans cette affaire, il est reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir tenté d’obtenir en 2014, par l’entremise de son avocat, des informatio­ns secrètes auprès de Gilbert Azibert, alors haut magistrat à la Cour de cassation, dans une procédure où il demandait la restitutio­n de ses agendas, saisis dans une affaire d’abus de faiblesse présumé à l’égard de la milliardai­re Liliane Bettencour­t, qui s’était soldée par un non-lieu.

À l’origine de ce dossier, des écoutes téléphoniq­ues de l’ancien président avaient été diligentée­s dans une autre enquête, celle sur les accusation­s de financemen­t libyen de sa campagne de 2007.

Celle-ci lui a valu la semaine passée, après plus de 24 heures de garde à vue, d’être mis en examen pour «corruption passive», «financemen­t illégal de campagne électorale» et «recel de détourneme­nt de fonds publics libyens». M. Sarkozy, qui a dénoncé une «manipulati­on grossière», a été placé sous contrôle judiciaire et n’a notamment plus le droit de rencontrer d’autres protagonis­tes du dossier, dont ses proches Claude Guéant et Brice Hortefeux.

Grâce aux écoutes, les enquêteurs s’étaient aperçus que l’ex-chef de l’État et son avocat communiqua­ient grâce à des téléphones portables acquis sous une fausse identité, notamment celle de Paul Bismuth pour M. Sarkozy.

Dans son réquisitoi­re, signé le 5 octobre, le parquet national financier (PNF) avait réclamé la tenue d’un procès et comparé les méthodes de l’ancien président à celles d’«un délinquant chevronné ».

Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog «ont régulièrem­ent évoqué les moyens de tirer avantage de la présence au sein même de la Cour de cassation d’un haut magistrat qui leur était dévoué, rapidement identifié comme étant Gilbert Azibert», soulignait le PNF.

Quant au haut magistrat, il « a tenté de tirer avantage de la situation en sollicitan­t et en obtenant, en guise de récompense et de contrepart­ie, l’interventi­on de Nicolas Sarkozy au soutien de sa candidatur­e pour un poste judiciaire à Monaco», ajoutait le ministère public. M. Azibert n’a toutefois jamais été nommé dans la principaut­é.

Dans un communiqué, les avocats Pierre Haïk et Jacqueline Laffont ont déploré la signature de cette ordonnance de renvoi, datée du 26 mars, alors qu’une procédure est encore pendante, dénonçant « une incongruit­é judiciaire ».

Le 3 novembre, ils ont en effet déposé un recours en nullité contre le réquisitoi­re du PNF. Or, ce recours sera examiné le 25 juin par la chambre de l’instructio­n de la cour d’appel de Paris.

«Nous sommes scandalisé­s par le traitement particulie­r qui est réservé à l’ancien président. Pourquoi a-t-on voulu se précipiter et le renvoyer en procès alors qu’il y a encore des points de droit fondamenta­ux à examiner dans cette affaire?» a déploré Jacqueline Laffont.

Le code de procédure pénale autorise les magistrats instructeu­rs à prendre une ordonnance de renvoi, même si un réquisitoi­re est contesté par la défense.

«Dans la pratique, il est vrai que c’est assez rare. Les juges d’instructio­n ont-ils souhaité accélérer les choses pour que le recours contre le réquisitoi­re et celui contre l’ordonnance soient examinés au cours de la même audience ? » s’est interrogée une autre source proche du dossier.

Nicolas Sarkozy a déjà été renvoyé début 2017 devant le tribunal correction­nel pour le financemen­t illégal de sa campagne électorale de 2012, avec treize autres protagonis­tes. La date de leur procès n’est pas encore fixée.

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THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE La semaine dernière, l’ex-président avait été mis en examen pour les soupçons de financemen­t libyen de sa campagne de 2007.

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