Une rémunération pour des stages ?
Pourquoi cette décision est-elle illogique? Dans une société sociale-démocrate, se battre pour la gratuité scolaire est un objectif principal. Il s’agit d’offrir une égalité des chances à tous les citoyens. À partir du moment où cette société paie pour la scolarisation des citoyens, il devient incontournable de demeurer dans la même idéologie afin de réfléchir à la possible implantation d’une rémunération des étudiants pour les stages. Ici, les futurs enseignants se voient rémunérés selon le principe qu’ils exécutent un travail qui serait normalement rémunéré. Or ce raisonnement oublie de prendre en considération le fait que les études ont été payées par le même portefeuille qui paiera pour des stages rémunérés. C’est comme si, en tant que parent, vous payiez les études de votre enfant tout au long de sa vie et que, le jour où il fait un stage, vous lui versiez en plus une rémunération.
De quelle logique est issue cette décision? Il semblerait que le gouvernement ait copié la logique de marché. C’est pour ce motif que le raisonnement est faillible. Dans cette logique de marché, il est normal que les entreprises privées doivent payer les stages car, contrairement au gouvernement, ce ne sont pas ces dernières qui paient la formation du travailleur. Plus encore, les entreprises tirent un profit personnel du travail des stagiaires. Dans le cas des enseignants, c’est la société qui tire un profit du travail des enseignants, compétences qu’elle a financées afin de rendre les citoyens autonomes.
Ce raisonnement est d’autant plus inquiétant que notre société pense de plus en plus l’université comme un marché classique. Il suffit de regarder les mots utilisés: marché de l’enseignement, baisse ou hausse de la clientèle, mesure de la performance des enseignants, optimisation des classes, etc. Avec cette nouvelle pierre posée sur l’édifice de l’université, on continue lentement, mais sûrement, à assimiler la population à une logique de marché. Il ne reste qu’un pas à franchir pour choisir la privatisation plutôt que la gratuité.
La toile se tisse. Pourtant, on aurait pu décider de prendre ces millions pour se rapprocher encore plus de la gratuité scolaire ou encore pour améliorer les conditions de travail des enseignants. Québec solidaire se lèvera heureux, ce matin, de cette victoire; pourtant, en faisant le jeu du Parti libéral, il ne se rend pas compte que cela s’éloigne notablement des principes socialistes qu’il prône. Après des coupes de 172 millions, ces 15 millions me semblent réellement mal investis. Stéphane Chiarello, enseignant en gestion des ressources humaines, UQTR
Le 29 mars 2018