Cinéma Marvin ou la belle éducation:
Les blessures de l’enfance
MARVIN
OU LA BELLE ÉDUCATION
Drame d’Anne Fontaine. Avec Jules Porier, Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois, Catherine Salée, Catherine Mouchet, Vincent Macaigne, Charles Berling et Isabelle Huppert. France, 2017, 114 minutes.
Marvin Bijou (prodigieux Jules Porier) vit au sein d’une famille pauvre et peu instruite dans les Vosges. Intimidé par ses pairs à l’école qui le trouvent efféminé, le garçon de dix ans trouve peu de réconfort auprès de son père tyrannique et alcoolique (Grégory Gadebois), sa mère désabusée (Catherine Salée) et son frère aîné (Yannick Morzelle), copie carbone du père. Grâce au flair de la nouvelle principale, Madeleine Clément (Catherine Mouchet), il découvre le théâtre.
Une dizaine d’années plus tard, à Paris, on retrouve Marvin devenu Martin Clément (remarquable Finnegan Oldfield), aspirant acteur tour à tour protégé d’un metteur en scène (Vincent Macaigne), d’un mécène (Charles Berling) et de l’actrice Isabelle Huppert (elle-même). Afin d’exorciser son passé, il tente de monter une pièce racontant sa jeunesse malheureuse.
Libre adaptation d’En finir avec Eddy Bellegueule, roman autobiographique d’Édouard Louis (Histoire de la violence), ce drame d’Anne Fontaine (Innocentes), écrit avec Pierre Trividic (Ceux qui m’aiment prendront le train, de Patrice Chéreau), esquisse en parallèle les portraits de Marvin et de Martin de manière à suggérer un dialogue entre l’enfant et l’adulte. Si les regards des deux acteurs, dont le jeu force l’admiration, révèlent les blessures de l’enfance, la volonté d’être aimé et la foi en un avenir meilleur, Marvin/Martin demeure malgré tout opaque, inaccessible, comme s’il n’était que le témoin peu loquace de son propre destin.
Ponctué de passages d’une insoutenable cruauté, Marvin ou la belle éducation souffre par endroits de la mise en scène d’Anne Fontaine, mue par le désir d’être authentique, qui s’acharne à illustrer à gros traits la pauvreté, l’ignorance et la violence du milieu dont est issu le personnage, faisant fi de toute psychologie. Lorsqu’elle transporte le récit dans l’univers du théâtre parisien, le tout devient artificiel, la cinéaste butinant d’un personnage à l’autre sans réellement les étoffer, gaspillant du coup sa brillante distribution.
Douloureux récit initiatique conventionnel sous forme d’ode impressionniste à la résilience, Marvin ou la belle éducation offre néanmoins une tardive lueur d’espoir. Dans une scène entre le père, qu’incarne magistralement Gadebois, et le fils adulte, Anne Fontaine et Pierre Tridivic font montre d’une grande finesse tandis qu’ils démontrent le chemin parcouru par les deux personnages.
Pudique, riche de troublants sous-entendus, le dialogue entre ces deux hommes traduit une volonté de transcender une mentalité déterministe, un milieu social aliénant et les préjugés transmis d’une génération à l’autre. Si à mots couverts l’un signifie à l’autre que l’heure du pardon n’a pas encore sonné, le chemin vers la rédemption est néanmoins solidement tracé.
Ponctué de passages d’une insoutenable cruauté, Marvin ou la
belle éducation souffre par endroits de la mise en scène d’Anne Fontaine