Ces reines d’Égypte qui ont façonné la grande histoire
Le musée Pointe-à-Callière consacre une exposition aux femmes marquantes du Nouvel Empire
Que ce soit par leur beauté ou par leur pouvoir politique, les reines de l’Égypte ancienne ont inspiré de nombreuses oeuvres de fiction. Pourtant, il est difficile de comprendre l’héritage qu’elles ont laissé derrière elles. Afin d’offrir un certain éclairage sur leur rôle dans l’histoire, le musée Pointe-à-Callière consacre aux femmes marquantes du Nouvel Empire (de 1600 à 1100 av. J.-C.) l’exposition présentée du 10 avril au 4 novembre.
Plus de 350 éléments seront exposés. Parmi ceux-ci, de «grandes statues des déesses Sekhmet, du pharaon Ramsès II, de magnifiques stèles et papyrus, des momies humaines et animales, des bijoux et objets de beauté des mères, épouses et filles des pharaons, une douzaine de sarcophages peints et des objets réalisés par des artisans pour les reines», explique Francine Lelièvre, directrice générale du musée Pointe-à-Callière.
Deux cent cinquante de ces objets ont été empruntés au Museo Egizio de Turin, en Italie, qui possède l’une des plus importantes collections sur l’Égypte ancienne au monde. Cette collaboration est née de la volonté d’exposer les pièces du tombeau de Néfertari, la grande épouse royale de Ramsès II (1301-1245 av. J.-C.), découvert par l’archéologue Ernesto Schiaparelli. Il fut responsable des missions archéologiques italiennes en Égypte, de 1903 à 1920, pour le musée de Turin.
Grandes épouses et «ornements»
Aux côtés de Néfertari, Reines d’Égypte rendra hommage à Tiyi, épouse d’Amenhotep III, mais aussi à Néfertiti, la grande épouse royale d’Akhenaton, à la beauté légendaire, dont le buste n’est plus à présenter. Sans oublier Hatchepsout, qui a occupé le pouvoir comme régente puis de corégente aux côtés de Thoutmôsis III, sixième pharaon de la XVIIIe dynastie.
«À travers le temps, l’histoire des femmes est trop souvent oubliée et occultée. Ces Égyptiennes de pouvoir, il y a 3500 ans, avaient une place dans la société. Elles pouvaient devenir régentes ou pharaonnes, recevoir ou transmettre leur héritage, manger et boire en compagnie des hommes. Dans l’Antiquité, elle occupait une plus grande place que la femme grecque ou romaine », souligne Mme Lelièvre.
En plus de leur rôle maternel, elles avaient «un rôle dans l’éducation des enfants, des droits matrimoniaux, un pécule dont elles pouvaient jouir sans l’approbation du mari et le droit de déshériter un descendant», explique Jean Revez, professeur d’histoire, spécialiste de l’Égypte pharaonique à l’UQAM.
Les épouses des pharaons possédaient des titres qui reflétaient leur pouvoir, souligne M. Revez. La grande épouse du roi, choisie pour devenir la mère du futur prince héritier, les épouses du roi qui pouvaient être multiples et jouaient des rôles diplomatiques (grâce à des mariages entre le pharaon et des princesses étrangères) et les concubines aussi appelées les «ornements» (ou joyaux) du roi. «Les femmes pouvaient avoir un rôle politique, mais certaines épouses du roi exerçaient aussi une fonction religieuse, en devenant “l’épouse d’un Dieu” », ajoute M. Revez.
Une tournée en Amérique du Nord
Il est rare d’accueillir en Amérique du Nord des expositions portant uniquement sur les femmes du Nouvel Empire. Pour Mme Lelièvre, cela s’explique par la fragilité des pièces. Leur emprunt est donc soit impossible, soit trop onéreux. «Elles sont en permanence dans de grands musées comme ceux du Caire, de Turin, Le Louvre et le British Museum.» Quant à l’Égypte, elle «préfère que les touristes aillent dans ses musées plutôt que de faire voyager ses trésors à l’étranger». À ces difficultés, il faut ajouter «les exigences relatives à la conservation, la valeur des assurances, les coûts de transport et de douanes.»
L’expo Reines d’Égypte, qui se veut multisensorielle, prendra ensuite la route pour une tournée dans le reste du Canada et aux États-Unis.
«Les femmes pouvaient avoir un rôle politique, mais certaines épouses du roi » exerçaient aussi une fonction religieuse en devenant “l’épouse d’un Dieu’’
Jean Revez, professeur d’histoire, spécialiste de l’Égypte pharaonique à l’UQAM À travers le temps, l’histoire des femmes occultée» est trop souvent oubliée et Francine Lelièvre, directrice générale du musée Pointe-à-Callière