Québec n’a pas à contribuer, dit Leitão
Cette responsabilité relève du gouvernement fédéral, selon le ministre des Finances, qui a confiance de voir des résultats
Le projet pilote avec l’Agence des services frontaliers du Canada et Postes Canada visant à mieux percevoir la TVQ sur les biens corporels achetés en ligne à l’étranger ne coûtera rien au gouvernement du Québec, affirme le ministre des Finances.
Deux jours après le dépôt de son budget, le ministre Carlos Leitão a donné jeudi son traditionnel discours devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, profitant de la tribune pour exprimer sa confiance à l’égard du projet.
«Est-ce que ça va fonctionner? Il faudra voir, mais je pense que oui, je pense que ça va donner des résultats», a dit M. Leitão. «Après ça, on verra si on poursuit dans la même direction. C’est un enjeu qui n’est pas simple. Si c’était simple, ç’aurait été fait il y a longtemps. Mais ce qu’on fait suit les recommandations de l’OCDE. »
Selon les documents budgétaires, la perception de la TVQ sur les biens corporels arrivant de l’étranger n’a lieu que dans une minorité de cas (10%), un phénomène qui entraîne pour Québec des pertes de 158 millions. La quantité de colis à traiter, conséquence de l’explosion du commerce en ligne, est tout simplement trop grande pour les moyens qui sont actuellement à la disposition des autorités.
Le projet «ne nous coûte rien à nous », a dit M. Leitão lors d’une rencontre avec les journalistes en marge de son allocution. «Parce que la responsabilité des frontières appartient au gouvernement fédéral.» Dans sa stratégie sur les paradis fiscaux et l’équité fiscale, publiée à l’automne 2017, Québec disait être prêt à « contribuer financièrement ».
M. Leitão a dit qu’il y aurait dans le cadre du projet pilote « de nouveaux moyens technologiques, de nouvelles ressources humaines pour améliorer ce 10%». Son attachée de presse a plus tard précisé que les détails du projet pourront être connus une fois le projet ficelé.
Ajout de ressources
«Chose certaine, si on veut donner des responsabilités supplémentaires aux douaniers, il faudra plus de personnel», a dit à La Presse canadienne jeudi le président national du Syndicat des douanes et de l’immigration, Jean-Pierre Fortin. Le personnel douanier a été réduit de 1600 agents à travers le Canada depuis cinq ans, a-t-il précisé. Cette baisse est due à des compressions.
Le Devoir a transmis une demande d’information à l’ASFC mercredi mais n’a jusqu’ici reçu qu’un accusé de réception automatique indiquant que «nous vous répondrons dans les plus brefs délais».
L’OCDE travaille sur la question depuis plusieurs années déjà. Dans un document de consultation en 2014, l’organisme a reconnu la sérieuse problématique de percevoir des taxes sur une base transfrontalière, «surtout dans les cas où les biens et services sont acquis par des consommateurs privés auprès de fournisseurs étrangers».
«Ceci s’explique en partie par l’absence d’un cadre international efficace qui permettrait aux acteurs économiques, en particulier les PME, de s’enregistrer et de gérer les paiements auprès d’un grand nombre d’autorités fiscales», a écrit l’OCDE à l’époque. L’organisme a aussi mentionné le besoin de gérer les enjeux fiscaux «générés par un fort volume de transactions de faible valeur, ce qui peut créer un fardeau administratif considérable mais des revenus marginaux ».
Le Conseil québécois du commerce de détail a indiqué au Devoir, dans la foulée du budget, qu’il salue les efforts de Québec en matière d’équité fiscale mais qu’il croit que la manipulation de colis n’est pas la bonne façon de procéder. Il préconise plutôt de se tourner vers les institutions financières qui traitent les paiements.
La taxation des biens « intangibles», comme les services offerts par Netflix, ne touche qu’une poignée de grands joueurs. Mais celle sur les biens corporels « implique de nombreux commerces de toutes tailles» dans plusieurs pays, a écrit le ministère des Finances dans le budget, d’où la raison de concentrer les efforts à la frontière.