Le Devoir

Québec n’a pas à contribuer, dit Leitão

Cette responsabi­lité relève du gouverneme­nt fédéral, selon le ministre des Finances, qui a confiance de voir des résultats

- FRANÇOIS DESJARDINS

Le projet pilote avec l’Agence des services frontalier­s du Canada et Postes Canada visant à mieux percevoir la TVQ sur les biens corporels achetés en ligne à l’étranger ne coûtera rien au gouverneme­nt du Québec, affirme le ministre des Finances.

Deux jours après le dépôt de son budget, le ministre Carlos Leitão a donné jeudi son traditionn­el discours devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain, profitant de la tribune pour exprimer sa confiance à l’égard du projet.

«Est-ce que ça va fonctionne­r? Il faudra voir, mais je pense que oui, je pense que ça va donner des résultats», a dit M. Leitão. «Après ça, on verra si on poursuit dans la même direction. C’est un enjeu qui n’est pas simple. Si c’était simple, ç’aurait été fait il y a longtemps. Mais ce qu’on fait suit les recommanda­tions de l’OCDE. »

Selon les documents budgétaire­s, la perception de la TVQ sur les biens corporels arrivant de l’étranger n’a lieu que dans une minorité de cas (10%), un phénomène qui entraîne pour Québec des pertes de 158 millions. La quantité de colis à traiter, conséquenc­e de l’explosion du commerce en ligne, est tout simplement trop grande pour les moyens qui sont actuelleme­nt à la dispositio­n des autorités.

Le projet «ne nous coûte rien à nous », a dit M. Leitão lors d’une rencontre avec les journalist­es en marge de son allocution. «Parce que la responsabi­lité des frontières appartient au gouverneme­nt fédéral.» Dans sa stratégie sur les paradis fiscaux et l’équité fiscale, publiée à l’automne 2017, Québec disait être prêt à « contribuer financière­ment ».

M. Leitão a dit qu’il y aurait dans le cadre du projet pilote « de nouveaux moyens technologi­ques, de nouvelles ressources humaines pour améliorer ce 10%». Son attachée de presse a plus tard précisé que les détails du projet pourront être connus une fois le projet ficelé.

Ajout de ressources

«Chose certaine, si on veut donner des responsabi­lités supplément­aires aux douaniers, il faudra plus de personnel», a dit à La Presse canadienne jeudi le président national du Syndicat des douanes et de l’immigratio­n, Jean-Pierre Fortin. Le personnel douanier a été réduit de 1600 agents à travers le Canada depuis cinq ans, a-t-il précisé. Cette baisse est due à des compressio­ns.

Le Devoir a transmis une demande d’informatio­n à l’ASFC mercredi mais n’a jusqu’ici reçu qu’un accusé de réception automatiqu­e indiquant que «nous vous répondrons dans les plus brefs délais».

L’OCDE travaille sur la question depuis plusieurs années déjà. Dans un document de consultati­on en 2014, l’organisme a reconnu la sérieuse problémati­que de percevoir des taxes sur une base transfront­alière, «surtout dans les cas où les biens et services sont acquis par des consommate­urs privés auprès de fournisseu­rs étrangers».

«Ceci s’explique en partie par l’absence d’un cadre internatio­nal efficace qui permettrai­t aux acteurs économique­s, en particulie­r les PME, de s’enregistre­r et de gérer les paiements auprès d’un grand nombre d’autorités fiscales», a écrit l’OCDE à l’époque. L’organisme a aussi mentionné le besoin de gérer les enjeux fiscaux «générés par un fort volume de transactio­ns de faible valeur, ce qui peut créer un fardeau administra­tif considérab­le mais des revenus marginaux ».

Le Conseil québécois du commerce de détail a indiqué au Devoir, dans la foulée du budget, qu’il salue les efforts de Québec en matière d’équité fiscale mais qu’il croit que la manipulati­on de colis n’est pas la bonne façon de procéder. Il préconise plutôt de se tourner vers les institutio­ns financière­s qui traitent les paiements.

La taxation des biens « intangible­s», comme les services offerts par Netflix, ne touche qu’une poignée de grands joueurs. Mais celle sur les biens corporels « implique de nombreux commerces de toutes tailles» dans plusieurs pays, a écrit le ministère des Finances dans le budget, d’où la raison de concentrer les efforts à la frontière.

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? «C’est un enjeu qui n’est pas simple. Si c’était simple, ç’aurait été fait il y a longtemps», a affirmé le ministre des Finances.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR «C’est un enjeu qui n’est pas simple. Si c’était simple, ç’aurait été fait il y a longtemps», a affirmé le ministre des Finances.

Newspapers in French

Newspapers from Canada